La Légende de Zatoichi (vol. 16): Le Justicier (Zatôichi rôyaburi) (1967) de Satsuo Yamamoto
Difficile de ne pas répondre à l'appel du pied de mon camarade et de le contredire en disant que la série Zatoichi (oui, je sais dans quoi je m'embarque... la centaine d'épisodes télé, nan, peut-être moins...) mérite encore et toujours le détour malgré le mignon condensé de Kitano. Cet épisode est relativement sauvage et sanglant, et nous montre un Zatoichi non seulement fidèle à ses valeurs de justice et de loyauté (et gare à ceux qui ne le seront point) mais qui, lorsqu'il explose après s'être aveuglé dans ses choix, fait couler des rivières de sang - parfait au petit dèj. Rien que la séquence d'ouverture est tordante, notre masseur aveugle décidant d'atteindre une micro cible, à l'arc, en visant... avec son oreille, forcément. J'en ris encore. Ensuite, il faut reconnaître que notre héros solitaire va aller de déception en déception : il parvient dans un village où les paysans, totalement exploités par le "parrain" des lieux et ses sbires (leur production est maigre et leur peu de g(r)ains, ils le dépensent dans des tripots où ils se font arnaquer), reçoivent malgré tout le soutien de deux figures locales : un ancien samouraï zen (il se bat sans sabre) et communiste (notre gars encourage la création d'une coopérative agricole, cool) qui vient leur prêter main forte ainsi qu'un yakusa, chef de clan, Asagoro, qui n'hésite point à rembourser les dettes des paysans. Zatoichi tombe sous le charme de ce dernier et décide de trucider le parrain pour lui laisser le contrôle des lieux... Erreur fatale car lorsqu'il repasse dans le village un an après, ce dernier, au service du gouvernement, exploite comme un chien les paysans... Zatoichi est super vénère, d'autant que le samouraï communiste a été arrêté... Ca va saigner.
Cette trahison ignoble n'est pas la seule déconvenue de Zatoichi. On le verra aussi se faire rosser par ses propres collègues aveugles - petite jalousie dans l'air au sein de la profession... - et tout tristoune devant le sort d'une donzelle dont il a tué le frère et qu'il retrouve dans un bordel (toute poudrée de riz comme un fantôme qui hante sa conscience - le suicide de cette dernière est également une image très forte, une sorte de désespoir nimbé de bleu/blues). Bref, quand il s'agira de remettre les pendules à l'heure, Zatoichi qui a auparavant montré son art de la précision (couper un dé avec un sabre, trucider un papillon de nuit en pleine course avec une écharde... aveugle mais bougrement habile) va plutôt faire dans la boucherie, tronçonnant là un bras, ici une tête. Une séquence qui charcle sous des seaux de pluie pour découper le traître, puis une scène finale pour libérer le communiste avec un ersatz de Carmina Burana en fond sonore qui fait son petit effet - po moins de trente soldats seront sabrés... Zatoichi reprend la route tel un Chaplin nippon boiteux, retrouvant les routes de campagne qu'il affectionne (superbe photo soit dit en passant tout le long du film, d'un Zatoichi traversant un champ de blé ou errant lors d'une nuit clairdelunée) après s'être confronté à la misère paysanne. "I'm a poor lonesome swordboy...". Un épisode assez noir et tranchant.