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Shangols
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27 juin 2020

Le Bandit (The naked Dawn) (1955) d'Edgar G. Ulmer

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"Ce film, Naked Dawn, prouve que le cinéma peut tout exprimer et que l'on pourrait même tirer un film d'un des plus beaux romans français modernes, Jules et Jim d'Henri-Pierre Roché, dans lequel une femme aime également deux hommes pendant presque toute une vie, grâce à une morale esthétique et neuve sans cesse reconsidérée." Ces lignes que je connaissais presque par coeur à une époque pour avoir bossé durant deux ans sur l'oeuvre de Roché me sont revenues en tête alors que je cherchais des infos sur L'Atlantide coréalisé par Borzage et Ulmer. Me disant qu'il était vraiment béta d'avoir jamais eu l'occasion, finalement, de voir ce film, je mettais ma bonne vieille mule sur le coup. So, The Naked Dawn, un piètre western de série B ? Eh ben non, beaucoup de bonnes choses, dont une véritable liberté de ton, en effet, qui a dû laisser quelques marques à ce bon François encore tout jeune. Les personnages du trio d'Ulmer font en effet preuve d'une évidente sincérité dans leur confession, qu'ils expriment leur philosophie teintée d'amertume ou leur désillusion sentimentale. En bonus, un petit numéro virevoltant dans un cabaret où une chanteuse et danseuse mexicaine sanguine ferait passer Jeanne Moreau pour un bonnet de nuit : une séquence pleine de fraîcheur qui participe à la vitalité de ce petit scénar efficace.

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L'arrivée de Santiago - qui vient de dévaliser un convoi et perdre en route son pote blessé dans une fusillade - chez ce jeune couple de paysans, Msieur et Mdame Lopez, fait penser à l'arrivée d'un loup dans la bergerie. Santiago, le sourire enjôleur et carnassier - comme un Jean Reno encore jeune avant de devenir sarkoziste -, naked_dawn_postera tôt fait de zyeuter cette jeune donzelle avenante et de réaliser que son mari est bien tendre... On craint le pire (genre meurtre et viol, voyez, surtout après avoir vu Macbeth...) Ce que l'on sait moins - même s'il a tenu quelques belles paroles à son pote mourant -, c'est que le Santiago est loin d'être un type totalement dénué d'humanité sous ses allures de cow-boy féroce. Il embringue tout de même le chtit Lopez dans un micmac pour se faire de la thune puis, une fois renfloué, dans ce fameux cabaret pour faire la fiesta... Santiago, qui dépense sans compter, finirait presque par faire penser à un genre de Bob (Depardieu) dans Tenue de Soirée : l'argent, y'a qu'à se baisser pour en trouver et après ça, ben c'est fait pour être flambé. La chtite Lopez, quand ils sont enfin de retour, nous fait sa Monique, plein d'éclat dans les yeux devant ce Santiago tombé des cieux, plein de mépris pour son propre mari qui, en plus, il faut bien le reconnaître, la traite comme un tapis de bain. Michel Blanc - Mr Lopez -, vexé, voudrait décaniller Bob, troquant son canif contre un flingue, mais n'y parviendra guère : po assez aguerri le pépère. Et notre trio de faire la paix...

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On aura droit, le petit matin suivant, à une discussion d'anthologie entre Santiago/Bob, grand chantre de sa liberté mais qui perçoit lui-même le creux de ses paroles, et la divine Maria/Monique qui avoue à quel point elle s'emmerde entre ces quatre murs, féministe avant de le savoir; ses propos sur sa petite vie de ménagère sont cinglants : "Je casse parfois un objet pour qu'il se passe quelque chose. Alors je me fais battre. J'en arrive même à le souhaiter. Ca permet de crier sa douleur et de s'en soulager (...) Je veux vivre, voir, vibrer..." et de prier le Santiago de l'emballer avec lui dans son trip à Vera Cruz. Notre homme est bien emmerdé, mais saura faire preuve jusqu'au bout d'une certaine grandeur d'âme, comme si son bon fond prenait le dessus sur ses grands airs d'animal blessé. On n'est peut-être pas dans le grand film lyrique avec une petite émotion qui vous étreint juste là, à deux millimètres de la carotide, mais on apprécie particulièrement (po le choix, on est fan de Truffaut - rooh, ça va) ces petites discussions à coeur ouvert, entre ces petits jeunes inexpérimentés et ce baroudeur de Santiago (qui hisse) haut en couleur. Malgré un final un peu attendu (mais qui fait un bel écho à la scène d'ouverture), on se félicite d'avoir enfin découvert cette oeuvre pétillante qui n'est pas dénuée de sensualité. Certaines séries B ont parfois des petites facettes qui brillent.   (Shang - 22/10/09)

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Une merveille, un trésor, un de ces machins qui vous tombent sur le coin du râble une fois tous les 36 du mois, voilà ce que j'en pense pour ma part. Je ressors sidéré par ce western métaphysique parfait, admiratif de Ulmer qui a su, avec juste un film, atteindre à quelque chose qui dépasse largement le cadre du western, comme ont pu le faire Hellman, Ford, ou surtout Boetticher auquel Le Bandit fait souvent penser. C'est l'épure complète du film qui force d'abord le respect. Trois acteurs, un seul lieu, une trame réduite à sa plus simple expression, et voilà notre gars qui nous tricote une tragédie à taille humaine, pas si éloigné que ça de ce qu'aurait pu faire Renoir dans sa période américaine : tout comme chez lui, les personnages de ce film ont tous leur raison d'agir, bien ou mal, et jamais le cinéaste ne prend de hauteur morale sur eux, jamais il ne les juge. Dès la splendide première scène, du jamais vu au niveau de la sensibilité dans un western, on sait qu'on va avoir droit à un film inédit : un hors-la-loi patibulaire accompagne son complice dans la mort, en le berçant doucement et en lui promettant la vie après la mort. Arthur Kennedy, une subtilité de jeu extraordinaire, endosse avec génie le rôle de ce cow-boy romantique, moral et droit, qui est certes passé du mauvais côté de la loi mais pour des raisons personnelles qu'on comprend : le gars est un flambeur, un généreux, un nihiliste aussi, qui dépense tout son butin en une journée dans des fêtes et des dons, dans de la tequila et des femmes. Quand il débarque chez ce couple de jeunes péquenauds, on sent que sa sensibilité va s'exprimer.

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Il va dès lors se conduire en grand frère bienveillant à l'égard de Manuel (Eugene Iglesias, plus à l'aise quand la concupiscence le gagne qu'en paisano cucul la praline). Il l'emmène dans un micmac, mais c'est pour mieux partager avec lui la fiesta échevelée qui s'en suit. Mais, comme dans Theoreme, il va aussi agir comme un électrochoc sur ce couple en déshérence, jeunes mariés déjà gagnés par la misère, la brutalité et le désamour ; et comme dans la fable, il va prouver que dès qu'on met de l'or dans une affaire, la vénalité et le meurtre ne sont jamais loin. Manuel va devenir un démon de jalousies et d'envie, et tranquillement sa femme (Betta St. John, un miracle) va glisser vers une attirance pour ce brave Santiago, qui ne voit pas les turpitudes morales qui assaillent son jeune compagnon. Tout ça se déroule tout droit, la narration est d'une pureté géniale ; mais Ulmer n'en oublie pas pour autant de fabriquer de longues séquences déconectées de la trame, comme ce splendide montage autour d'une Mexicaine gironde, avec danses et chansons au programme. On est parfois proche du drame métaphysique, parfois de la fable morale, parfois de la tragédie grecque à ciel ouvert : on est toujours au plus près de ces personnages crédibles, qui nous ressemblent, en proie à des passions (l'argent, les femmes, la soif d'ailleurs) très humaines. Il y a un côté implacable dans le triste destin de Santiago, petit mec irrémédiablement attiré vers sa perte et qui finira effectivement seul, mais libre, au pied d'un arbre au milieu de nulle part. Il aura auparavant sauvé un amour, un couple, et son âme par la même occasion. Le Bandit entre dans les plus beaux westerns de mon panthéon personnel sans prévenir : le cinéma est grand.   (Gols - 27/06/20)

/critique-le-bandit-ulmer-18

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Commentaires
M
Marrant. Toujours eu un très mauvais karma avec cet Ulmer un peu charlatan, plutôt ringard et terriblement chiant. <br /> <br /> <br /> <br /> Sais pas pourquoi ce blog m'est sympathique. On y loue à 90% des oeuvres et artistes que je n'aime pas tellement... Allez comprendre.
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