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28 août 2009

Mission to Mars de Brian de Palma - 2000

m2m_danceCa faisait longtemps que je n'avais pas revu ce petit De Palma oublié, et ça fait du bien ma foi. Je dirais même que ça sonne presque comme une évidence de voir le bon Brian s'aventurer dans la science-fiction : ses fameux mouvements de caméra lentissimes et très coulés trouvent avec l'apesanteur leur pleine expression. Tout le film semble pris dans cette coolitude de mise en scène : dès que les héros sont embarqués dans leur vaisseau, tout est mouvements circulaires, brouillages de repères spatiaux et lissage des déplacements de caméra. Ca fait son effet : sur le papier, on peut douter de la technique, mais le résultat est superbe. De Palma en profite pour exploiter au maximum son décor, notamment au cours d'une scène de danse magique où les corps se retrouvent à l'envers, dégagés de leur poids, romantique à souhait.

00858500_photo_mission_to_marsL'espace selon De Palma est une sorte d'abstraction totale, et malgré le côté un peu cheap des effets spéciaux, Mission to Mars est une très belle réussite formelle, grâce à un montage qui privilégie l'opposition entre le métal du vaisseau et la profondeur poétique du cosmos, avec d'autre part des incursions touchantes de "l'humain" au sein de cette technique froide (pour repérer une faille dans la carlingue du vaisseau, on suit une tache de sang attirée par le vide, magnifique). Car ce film est avant tout une ode à l'humain dans tous ses visages, du plus physique (l'ADN comme grand mystère à aller chercher à l'autre bout de l'univers) au plus intime : le film raconte aussi, et peut-être surtout, une odyssée pour reconquérir la Femme de la part d'un homme qui vient de perdre la sienne, une sorte de quête de la féminité ultime, abstraite, essentielle. Sous la roche martienne se cache un masque féminin que le héros va devoir pénétrer pour retrouver l'image manquante de sa femme morte, celle de son mariage, celle de son bonheur. Finalement, cette mission n'est sûrement qu'intime, une thérapie pour sortir de la perte de l'amour et repartir vers un autre monde... Sans arrêt dans le film, on nous renvoie comme ça à l'humain, opposé aux machines. Le décor sert encore une fois très bien cette jolie thématique (des plantes vertes qui poussent sur le sol désertique de Mars, ou le final, pour le coup vraiment raté, qui explique la naissance de l'Humanité à des millions de kilomètres de toute trace humaine).

mars17Mais c'est sur fond de ciel étoilé que De Palma trouve tout son génie. Il trace des lignes géométriques magnifiquement pures sur ce fond noir, développant physiquement des idées abstraites grâce à elles. C'est le plus belle séquence, un couple qui se sépare dans l'espace, relié une dernière fois par un filin, ligne droite qui fait le lien entre deux points dans l'infini. D'un côté une femme en pleurs (c'est le plus sublime cri de l'Histoire du Cinéma, je l'affirme haut et fort), de l'autre l'homme qui l'aime et qui s'éloigne, entre eux cette dernière ligne pas assez longue pour continuer leur histoire. Grandiose moment, qui rend très simplement compte de la douleur de la séparation avec des outils très concrets. Quand la femme se détourne définitivement de l'homme, on pense aux Parapluies de Cherbourg, et à Deneuve se détournant du train qui entraîne Castelnuovo : c'est la même façon hyper-sensible de montrer la fin d'un couple, par un seul geste, par une seule façon de disposer des corps dans un espace. J'ai versé toutes les larmes de mes yeux.

mission_to_mars_1Virtuosité technique donc, qui va de paire avec une profonde sensibilité (il faut ajouter aux éloges la scène d'exposition, deux plans-séquences de toute beauté, et qui évacue en quelques minutes les obligations de présentation des personnages), et qui tranche avec un scénario pas franchement captivant dans son ensemble. Le film avance par petits pics de génie, mais le total est assez bancal au niveau de la trame. On s'en fout, tant le film est émouvant, tant encore une fois De Palma fait montre d'un sens de la mise en scène ahurissant. La musique très inspirée de Morricone ajoute encore à l'impression d'intimité mise à nu qu'on ressent curieusement à la vision de Mission to Mars ; en parlant d'une mission à la con à l'autre bout de l'infini, De Palma a réussi à parler des tout petits battements du coeur, et c'est bouleversant.

Des Palmes pour De Palma

Commentaires
H
La belle et très depalmesque idée, lors de la mort de Tim Robbins, c'est le fait que la transmission radio entre les astronautes ne soit affectée d'aucune scorie sonore : comme souvent chez De Palma, la technique donne l'illusion d'abolir la distance mais en réalité celle-ci subsiste, et elle est en l'occurrence infranchissable, sous peine de mort. Cela ajoute à la cruauté et à l'émotion de la scène.<br /> <br /> <br /> <br /> Par ailleurs, c'est en lisant votre texte que je me suis rendu compte que la façon dont 'Mission to Mars' fait résonner l'intime dans un récit de science-fiction le rapproche de 'Solaris' — beaucoup plus que de '2001' (sans bien sûr mettre le film de Tarkovski et celui de De Palma sur un pied d'égalité, en termes d'achèvement artistique).
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