Loin vers l'Est (Where East is East) (1929) de Tod Browning

Petit voyage en Asie et plus exactement à Vien-tiane (alors, partie de l'Indochine française) où l'on retrouve un Lon Chaney au visage plus cicatrisé qu'une ligne de chemin de fer, mais qui endosse, encore une fois, sous ses airs bougons, le rôle du papa poule. Il est à la fois aventurier de base puisque Lon, "Tiger" Haynes, vit de la capture d'animaux sauvages - on reconnaît d'ailleurs ici ou là sur sa face la griffure d'un tapir ou la morsure d'une fouine - mais aussi pater ultra protecteur envers sa fillette, Toyo (charmante et mutine Lupe Velez), qui commence à montrer les premières bouffées de chaleur. Comme d'hab, la mère s'est fait la malle, et c'est donc au Lon de mettre en garde sa fille vis-à-vis des premiers flirts qui rôdent. Elle lui présente d'ailleurs justement son premier galant, un nommé Bobby, genre de jeune garçon un peu poupon. Fils du type auquel Tiger vend ses bêtes, celui-ci se donne le temps pour le juger. Si Bobby marque des points en protégeant Toyo alors qu'un tigre s'est échappé dans le salon (l'appart est plutôt dangereux a priori...), Tiger attend de voir comment il va vraiment se comporter lors d'un petit voyage qu'ils effectuent ensemble jusqu'à Singapour.

Bobby est à peine sur le pont qu'il croise le regard d'une "séductrice" alanguie, pour ne pas dire vautrée dans un fauteuil, qui l'a capté immédiatement. Elle ressemble un peu à un mix de Christian Clavier dans Le Père Noël avec un membre du groupe Indochine, autant dire que pour ma part, j'aurais plutôt un gros mouvement de recul. Mais le Bobby lui, on peut dire qu'il fonce dessus, totalement hypnothisé par ce petit regard chafouin. Que fait Tiger ? Il sent bien que le Bobby est en train de faire un peu n'importe quoi, et quand il s'avance pour faire connaissance de la donzelle. Diable! Il se dépêche de prendre le Bobby à part et de lui expliquer qu'il est en train de vouloir poker la reum... de Toyo. Bobby se sent tout couillon mais cela ne l'empêche point d'être toujours terriblement attiré par ce regard qui flingue...

Bobby décide finalement de revenir avec Tiger à Vientiane mais une terrible surprise les attend; la mère de Toyo a pris ses quartiers chez son ex et elle est bien décidée à faire craquer le petit Bobby qui a le cerveau comme du fromage blanc dès qu'il la voit - alors qu'il est dans les bras dans sa douce (Toyo), la mère vient lui donner un lourd baiser de "félicitation", pour leur union, affreusement pervers - le grand moment du film, faut reconnaître. Bobby a définitivement le cerveau en compote. La mère parviendra-t-elle à ses fins, le Bobby sera-t-il capable d'entendre raison ou le Lon décidera-t-il d'intervenir pour mettre fin à cette situation un peu scabreuse, c'est tout le suspens du bazar. Tout ce qu'on peut dire c'est que le gorille est un animal définitivement super rancunier... Un soupçon d'exotisme - de vrais tigres et de vrais éléphants tout de même -, une belle complicité entre le père et sa fille - les deux séquences où Tiger et Toyo s'amusent comme des gamins à faire les animaux sauvages sont pleines de facéties -, et une trouble histoire d'amour qui vient instaurer une sale tension dans la maisonnée. Les regards que Tiger lance à son ex-compagne devraient la faire mourir sur place mais cette dernière est suffisamment maline, malsaine et expérimentée pour ne point se laisser abattre. Un léger regard torve, deux mots doux et elle sait que le Bobby est à ses pieds - bien tendre le garçon... Tiger, heureusement, veille sur sa fille, et on se demande jusqu'où il serait prêt à aller pour se débarrasser de son ex... Ce qui est bien c'est qu'on peut toujours imaginer le pire lors des séquences finales du père Tod. On est rarement déçu... et faut avouer qu'ici on ne fait pas dans la dentelle... C'est précieux une fille et son premier amour, tout à fait Tod.