Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
17 août 2009

Paris vu par... (1965) Rouch, Chabrol, Godard, Rohmer...

images_13_1images_16_2Bien. Ca commence par un Jean-Daniel Pollet sur la rue Saint Denis... et une histoire de prostituée (je vous préviens, on fait dans la dentelle...) jouée par Micheline Dax, jeune, même si tout est relatif car elle a déjà 42 ans... mais comme on l'a toujours connue vieille, forcément... Donc un pov gars pas débrouillard l'invite chez lui, subit tous les caprices de la Micheline (discute, repas, lecture du journal) et au moment de passer à l'acte... panne de courant (doit y'avoir un message). Hum.

On enchaîne avec un Jean Rouch qui, belle performance, filme tout en un unique plan séquence (même si j'ai des doutes sur le noir dans l'ascenseur). Une femme s'engueule avec son mari, part dans la rue, manque de se faire écraser, rencontre (putain, la force du destin) le conducteur qui correspond exactement à l'homme de ses rêves (d'après ce qu'elle reprochait à son mari : belle voiture, appart à Auteuil, aimant les voyages (rires)). Celui-ci avait prévu le matin même de mettre fin à ses jours mais propose à la donzelle -y'a des signes, ben ouais- de faire sa vie avec lui... celle-ci refuse (la garce nom de dieu, qu'est-ce qui leur faut!) et l'homme se suicide sur les rails... à part la petite prouesse technique (si on passe le fait que parfois personne apparaît dans le cadre, l'ombre de la caméra... po grave au final), c'est quand même limite mysogine (comme l'ensemble des films d'ailleurs) et sans grand intérêt... Ce qui était semble-t-il un genre de manifeste de la Nouvelle Vague commence à virer en eau de boudin...

Le Douchet... je comprends Fuentes lorsqu'il dit qu'aucune statue n'a jamais été érigée pour un critique... avec tout le respect que l'on doit à un gars qui a écrit sur Hitchcock, il a quand même bien fait d'arrêter rapidement sa carrière d'artiste... extrait des dialogues : "dans la vie il y a des filles qu'on emballe et des lits qu'on déballe" (mort de rire).

Le Rohmer qui commence très fort place de l'Etoile "où les anciens combattants se réunissent pour ranimer la flamme" (c'est vraiment du lourd) a un intérêt énorme : il est impossible de savoir que c'est un Rohmer (cela dit, attention, j'aime beaucoup Rohmer par ailleurs)... bref, un gars court pendant 5 minutes autour de la Place de l'Etoile... si c'était Lelouch qui filmait ça d'une grue monté sur l'Arc de triomphe, on pourrait se bidonner tranquille... mais là il filme ras du sol, avec un cut à chaque rue... po compris.

On arrive au summum avec le Godard et une héroïne tiraillée entre un sculpteur (qui travaille au fer à souder sur des morceaux de métaux qu'il "jette par terre pour pouvoir les assembler au hasard" (je vous jure)) et un carrossier qui n'aime que... les carrosseries "car, elle, au moins sont éternelles" (c'était avant la Smart)... il lui dit quand même qu'elle a un beau chassis et j'ai vu des fatwa sur Collaro pour moins que ça... Au final, elle se fait rejeter par les deux en se faisant traiter de "salope, putain..." etc... j'en suis venu a regretter les Godard sans scénario (bien sûr je fais abstraction des merveilles que sont A bout de souffle, Pierrot le fou.....) Passons.

Cela s'achève par un Chabrol, avec mari et femme qui s'engueulent comme du poisson pourri (Audran et Chabrol, lui-même, parfaits), des saillies (pas le joueur) ciselées ("tu as un oiseau dans la tête et un chat dans la gorge"),... bref de grands moments de cinéma où l'on se dit finalement que c'est bien que Truffaut ne s'y soit pas fourvoyé... Dur quand on adore la Nouvelle Vague, Dieu m'en est témoin...   (Shang - 21/02/06)


Ah la la pour cette fois, je vais dire à peu près le contraire de mon éminent co-blogueur. J'ai trouvé Paris vu par absolument charmant, chacun de ces sketches présentant quasiment un sine qua non de ce que fut la Nouvelle Vague : un cinéma en toute liberté, qui aborde frontalement des thèmes inhabituels (les rapports entre les garçons et les filles d'aujourd'hui (de 1965, donc), le sexe, la jeunesse, la futilité de l'amour), taquine les dialogues avec bonheur, montre un Paris amoureusement envisagé, tout en usant d'une mise en scène sans cesse renouvelée et très belle dans la plupart des cas. Pour une fois qu'un film à sketches parvient à trouver une cohésion indéniable, autant ne pas cracher dessus.

PARIS_VU_PAR_6_2Bon, le Jean-Daniel Pollet est peut-être le plus faible, je ne dis pas. Sûrement parce que c'est celui qui parvient le moins bien à s'écarter du cinéma "traditionnel", restant enfermé dans son goût pour le "bon mot", pour la situation, pour la chute. En filmant la rue Saint-Denis (sans la montrer, ce sketch restant, comme dans la plupart du film complet, enfermé dans un appartement, belle idée), Pollet n'évite pas complètement le cliché de la pute gouailleuse et du puceau benêt. Mais ma foi, ça reste amusant, grâce aux acteurs : Claude Melki en provincial renfrogné (de Limoges, l'horreur visiblement) et Micheline Dax en femme de joie... joyeuse. Un message ? Je ne suis pas sûr, peut-être juste une fantaisie sans conséquence, mais qui utilise relativement habilement l'attente du public : quand est-ce que les deux gusses vont enfin passer à l'acte ? Quand la lumière sera coupée, tout ce qui est filmé constituant "l'avant" de l'acte, complètement fadasse. C'est drôle, mais oubliable, aussi.

PARIS_VU_PAR_5_2Le Jean Rouch, par contre, est une merveille. Pas vu de mysoginie pour ma part dans cette traversée d'une existence en un seul plan de 20 minutes. Les hommes en prennent d'ailleurs beaucoup plus pour leur grade que les filles. Très sombre, le film commence pourtant dans la légèreté d'une scène de ménage presque vaudevillesque. Mais la virtuosité technique sert parfaitement le passage de l'humour à la mort : en un seul mouvement, on part de Guitry et on arrive dans Duras, traversant deux inspirations formelles importantes de la Nouvelle Vague, il fallait oser. C'est tout simplement l'histoire d'une vie de jeune fille brisée par le quotidien. L'héroïne très romantique est confrontée à la perte de ses espoirs d'enfant (les voyages, la vie trépidante), mais quand elle frôle la possibilité d'une vie rêvée, c'est pour la voir s'évanouir tout aussi vite dans la mort. Les dialogues magnifiques de la deuxième partie, prononcés par un fantôme surgi de nulle part d'une voix sépulcrale, le travail invraissemblable sur le son (les appels de l'amant qui se perdent au fur et à mesure que l'ascenseur descend, remplacés par le bruit des voitures en direct, pour finir par ce train hurlant quand la mort arrive : toute la Nouvelle Vague sur un plateau), et cette façon de fixer le visage de la jeune femme pour en faire ressortir toutes les émotions : tout contribue à faire de ce "Gare du Nord" un petit bijou formel et scénaristique.

PARIS_VU_PAR_4_2Jean Douchet enchaîne donc, et je trouve mon camarade bien sévère avec ce petit essai intelligent. D'abord parce que Douchet parvient avec beaucoup de grâce à mêler documentaire et fiction en un seul mouvement. On croit d'abord qu'on va suivre un reportage sur Saint-Germain, presque privé de personnages, mais petit à petit il inscrit dans sa narration un début de fiction, jusqu'à terminer sur un couple dans un lit pour démarrer une vraie histoire. Ensuite, le film ne cessera de s'inscrire profondément dans le territoire, ses cours, ses rues, ses petits appartements bourgeois-bohême. Certes, Douchet n'est pas un grand directeur d'acteurs, et son montage est souvent assez bancal. Mais encore une fois, il réussit à rendre parfaitement compte d'un esprit de liberté totale. Les petites réflexions masculines sont bien innocentes, et je m'étonne que mon camarade n'ait pas souri à ce gentil machisme de dandy, qu'on retrouve d'ailleurs chez Godard ou chez Eustache.

PARIS_VU_PAR_7_2Bien mystérieux effectivement, le film de Rohmer qui suit. Mais il a quelque chose de très joli, dans cette rapidité d'exécution digne d'une nouvelle de Borges ou de Buzzati. Le sketch, éminemment littéraire, rappelle tout de suite le goût pour le conte et la morale chers au brave Eric, et si en effet Rohmer abandonne pour une fois les dialogues à rallonges, on le reconnaît tout de suite dans cette façon de jouer avec un ton précieux, légèrement désuet qui en fait tout le charme. L'idée délicieuse est que la Place de l'Etoile est mal foutue, et que le piéton moyen n'arrive pas à traverser successivement les 12 avenues qui en partent sans prendre le risque de se faire écrabouiller... sauf s'il vient de commettre un meurtre, sussurre Rohmer de façon improbable. En s'attaquant à ce lieu auquel seuls les touristes, les anciens combattants et De Gaulle s'intéressent, ce sketch fait subtilement exister une sorte de trou au sein de Paris, qu'on évite, autour duquel on tourne, dangereux et trouble, qu'il développe à travers une trame policière minuscule. Il arrive à faire monter du suspense autour d'un parapluie et d'une femme qui vous marche sur le pied dans le métro, tout en restant dans un ton bricolo et "pris sur le vif". Etrange, mais charmant.

PARIS_VU_PAR_8_2Godard pour continuer, on peut donc s'attendre à du lourd. Et c'en est, le gars mettant un point d'honneur à s'aopposer à ses camarades, en traitant deux quartiers au lieu d'un (Montparnasse et Levallois). Tout est histoire de dualité d'ailleurs dans ce court, deux hommes pour une femme, deux conceptions de l'artisanat, deux parties très détachées... pour une seule chute. Mon camarade a trop tendance, à mon avis, à mettre sur le dos de JLG ce qui n'est imputable qu'à ses personnages. Car si effectivement les noms d'oiseaux fusent, ainsi que les remarques phallocrates, c'est plus pour montrer un certain état des rapports homme/femme que par goût pour la chose (qu'on se souvienne des portraits ultra-sensibles que furent Vivre sa Vie ou Deux ou trois Choses...) A travers ces deux situations de couples opposées l'une à l'autre (d'un côté un artiste conceptuel à la Jackson Pollock, de l'autre un carrossier vieille école), il n'est peut-être pas interdit de voir deux conceptions cinématographiques qui s'affrontent, Godard refusant de trancher pour l'une ou pour l'autre. Au final, c'est "l'autre cinéma", celui qui vient d'Amérique, qui est renvoyé dans les roses. Sous-titrant son sketch "action film", Godard semble effectivement le consacrer aux vertus du hasard, tant dans le scénario (cette histoire de lettres qui se trompent de destinataires) que formellement : on assiste à une sorte de chaos visuel, qui semble pris complètement en direct, de façon alléatoire. On a du mal à reconaître JLG dans ce style-là, peut-être, mais pourtant, dans le fond, voilà un court intrigant et qui ouvre plein de possibilités. Opaque et passionnant comme un Godard.

PARIS_VU_PAR_9_2Quant à Chabrol, il sort l’artillerie lourde pour fustiger son couple de grands-bourgeois, mais c’est bien la moindre des choses de la part d’un « Jeune Turc » que de balancer la sauce pour s’attaquer à ses aînés. En tout cas, « La Muette » vient rappeler que Chabrol, sut, à une époque, réaliser des films. Celui-ci est jubilatoire et taquin à souhait. Le sujet lui va comme un gant : un jeune garçon du XVIème arrondissement préfère se mettre des boules Quiès plutôt que d’écouter les conneries de ses parents, quitte à laisser mourir sa mère après une chute dans l’escalier. Chabrol excelle dans le portrait au bulldozer, notamment dans les scènes de repas (après un grand silence, le père : « moi, j’suis pour la peine de mort »), dans lesquelles on balance des âneries en engloutissant salement des tonnes de bouffe. On est dans papa-maman-la bonne et moi, mais le rictus chabrolien fonctionne en plein, et le film rappelle La Cérémonie, dont il semble être une matrice. Très marrant.   (Gols - 17/08/09)

God-Art, le culte : clique


Commentaires
Derniers commentaires