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16 août 2009

Hitler's Madman de Douglas Sirk - 1943

vlcsnap_2009_08_16_19h10m03s61S'il existait encore quelques doutes quant aux sympathies de Sirk vis-à-vis du régime nazi, Hitler's Madman devrait les faire taire à jamais. Enorme audace de sa part d'avoir choisi, pour sa première production américaine, de livrer cette ode à la résistance et à la liberté. Il le fait dans une flamboyance de style impressionnante, et cette commande se transforme en oeuvre très personnelle et vibrante de sentiments.

Pourtant, Sirk se contente la plupart du temps d'utiliser les outils de "propagande" anti-nazie habituels : opposition entre un monde idyllique (un petit village paisible de Tchécoslovaquie) et les ténèbres de l'envahisseur (les décors pleins d'ombres des bureaux) ; musique tout en noblesse ; grosse charge pour ce qui est de dessiner les caractères des personnages, la palette allant de la bonhommie rigolote du Tchèque alcoolique à la froideur raide de Himmler ; exaltation d'une nature déifiée, comme dans les films soviétiques de la grande époque (ces blés filmés en contre-plongée sur fond de ciel immaculé). Rien de bien vlcsnap_2009_08_16_19h13m48s13nouveau dans ces motifs déjà utilisés par les contemporains de Sirk de ce côté-ci de la Force, on pense à Lang ou à Hitchcock qui surent eux aussi utiliser ces motifs avec talent. Au service d'un scénario fort, cette mise en scène exalte le courage et l'amour face à la brutalité, et c'est bien tout ce qu'on lui demande.

Mais derrière ces chemins tout tracés, on sent déjà toute la démesure de Sirk. Dans le traitement des personnages d'abord, qui étonne franchement. Finalement, ce ne sont pas trop les héros de l'histoire qui restent en tête, mais plutôt les méchants : la composition énormissime de John Carradine en bourreau sans scrupule marque vraiment des points. On le dirait directement sorti d'un drame politique de Shakespeare, dans ces scènes de méchanceté pure (le tri des jeunes filles envoyées dans les camps de soldats, l'exécution d'un prêtre), et surtout dans toutes ses scènes finales. Mourant, il sera empli de haine totale jusqu'à la fin, son rictus de monstre filmé avec magnétisme par un Sirk vlcsnap_2009_08_16_19h20m10s250visiblement impressionné : éclairs de lumières zébrés qui passent sur son visage, lenteur de l'expression, avec une caméra qui le prend en amorce pour le rendre encore plus gigantesque. C'est fascinant de voir comment Sirk écarte ce personnage de la pure doctrine politique, pour en faire un symbole du Mal absolu, guidé par la haine bien plus que par la soumission au Führer. A l'autre bout de la balance, il y a la bien belle idée également d'éviter le manichéisme idiot, dans le personnage de cette épouse d'officier allemand qui passe avec timidité de l'autre côté en balançant pour quelques secondes des infos aux résistants. Malgré les gros traits, inévitables dans ce genre de production, Sirk tente la demie-teinte, et c'est très courageux.

Et puis il y a déjà cette maestria pour doper toutes les scènes qui en ont besoin. Le dernier quart-d'heure est énorme, mélange de vision mystique du sacrifice humain (les calvaires filmés par en-dessous, les victimes tout en grandeur d'âme) et de virtuosité strictement vlcsnap_2009_08_16_19h08m33s187cinématographique (le montage en fondu enchaîné de l'arrivée des Allemands dans le village, où les plans semblent s'enchâsser les uns dans les autres). L'émotion est poignante, et on n'a qu'une envie : s'enrôler immédiatement dans la Résistance. Effet réussi, donc. Ces scènes éblouissantes font oublier les quelques défauts du film, comme ces curieux "cut" à l'intérieur des scènes dialoguées, un peu bordéliques, ou ces personnages sacrifiés en cours de route (le couple d'amoureux héroïques fera long feu, Sirk leur préférant les petites gens). Pas encore les chefs-d'oeuvre futurs, mais déjà un cinéma bien en place et très personnel.

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