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16 août 2009

Ce Vieux Rêve qui bouge d'Alain Guiraudie - 2001

vlcsnap_2009_08_16_10h22m56s208Toujours intrigant, le père Guiraudie. Pour cette fois, il quitte la nature et s'enferme dans une usine, pour filmer avec une belle ambition la naissance du désir au sein du monde ouvrier. Dans ce style si indéfinissable, à cheval entre le vide intersidéral et un curieux trouble à la limite du fantastique, il installe tranquillement une atmosphère étrange, fidèle à son écriture icônoclaste. Le fait que ce film soit profondément ancré dans une réalité sociale très définie, et qu'il se rapproche ainsi souvent du documentaire, ajoute encore au décalage de la chose : Guiraudie impose son regard barjot dans un monde très balisé.

Un jeune gars est envoyé dans une usine en fin de vie pour démonter une bizarre machine (la description de la fonction de cette machine vaut son pesant d'écrous). D'abord un peu à part au milieu de ces ouvriers en instance de chômage, puisqu'il est le seul qui bosse réellement, il va développer petit à petit de troubles rapports avec un vieux de la vieille, puis avec son contremaître. vlcsnap_2009_08_16_10h57m02s180Guiraudie filme l'arrivée du désir amoureux dans cet univers opaque et fermé avec une belle subtilité, par touches minuscules. Rien n'est dit, ou presque, et ça suffit pour tout dire : la fatigue de ces gars qui ont bossé 30 ans au même endroit, le malheur du chômage, la difficulté à se faire aimer, les questionnements sentimentaux et sexuels... Il suffit de peu de choses, un geste vaguement esquissé de loin, un silence complice entre deux ouvriers, deux ou trois personnages filmés dans l'immensité de cette friche industrielle ouverte sur le ciel, pour comprendre la profondeur des rapports (de classe, de solidarité, de compagnonnage) entre les hommes.

Visuellement très beau, Ce Vieux Rêve qui bouge reste mystérieux, ne lâchant ses infos que du bout des lèvres. On ne saura pas trop, au bout du compte, qui sont ces gars plongés dans l'inactivité, placés face à un avenir sombre. Guiraudie préfère filmer la fin d'un monde par le petit bout de la lorgnette : des ouvriers qui tapent la belote, une machine qui se disloque petit à petit, des apéros à vlcsnap_2009_08_16_10h41m10s141répétition, des prolos qui prennent leur douche et s'échangent quelques banalités... Mais à travers ce quotidien, quand même légèrement décalé par le style si personnel de Guiraudie, on sent toute la subtilité de ce qui se joue dans ces derniers jours de labeur. En plus, le tout reste profondément optimiste, joyeux même, ce qui étonne dans un tel sujet : quelque chose est possible entre les êtres, l'amitié, le désir, la complicité, et Guiraudie contemple ça avec une belle empathie, dans une belle lumière d'été (saison dont il tend à devenir le cinéaste officiel), dans un sens très pointu de l'espace et des lieux. Un tout petit film, mais plein d'ambition et de grandeur d'âme.

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