Freaks, La Monstrueuse Parade (Freaks) (1932) de Tod Browning
Il y a comme une terrible tristesse qui se dégage de cette oeuvre, tant les amours de ce nain blond tout trognon et cette grande blonde, fille de l'air, sont à la fois pathétiques (elle le manipule comme un Bidibule) et émouvantes (notre nain semble avoir le coeur plus grand que le ventre). Une ambiance de coulisses de cirque que le Tod a déjà traitée auparavant, mais peuplée ici d'individus difformes, qui, c'est le moins qu'on puisse dire, vous coupent un bras : l'ambivalente Joseph-Joséphine, personnage mi-homme mi-femme ("elle te sourit, mais, lui, voudrait te casser la tronche"... dur), des soeurs siamoises qui doivent constamment se taper le futur mari de l'autre, un black tronc (rien à voir avec une marque de téléviseur à roulettes, soyons clair), un impressionnant individu sans jambes qui se déplacent à toute blinde sur les mains, une vraie otarie (dont l'apparition est forcément un brin caustique), une fournée de nains, trois frères qui ont la tête aussi tordues que la morale de Brice Hortefeux,... toute une ribambelle de phénomènes de foire qui ferait passer Elephant Man pour un type juste légèrement amoché après un accident de scooter.
Tout ce petit monde gravite en marge des pistes de cirque et l'intrigue de se concentrer sur ce couple de nains mignons comme les doigts de la main : ils ont le projet de se marier jusqu'à ce que Tom Pouce tombe, donc, tragiquement amoureux d'une femme faisant 34 fois sa taille. Cette dernière, qui sort avec l'Hercule du coin qui est con comme une enclume, s'amuse au départ des attentions de ce chtit bout, le laissant la séduire pour mieux se foutre de sa tronche dans son dos. Le nain est aveugle, tout du moins son amour, et il se laisse complètement prendre au piège; lorsque notre blondasse apprend qu'en plus ce truc haut comme trois pommes est richissime, elle décide de l'embobiner dans un mariage et de rapidement le dessouder dans la foulée... Seulement les minis monstres veillent...
Si nos amis sont un poil difformes, on comprend rapidement que les véritables monstres sont plutôt à pécher au niveau de ce couple "normal", formé par la Blonde et son Hercule. Voulant profiter comme des rats de la situation, prenant ces pauvres êtres pour de véritables momies décérébrées, ils ne vont point tarder à se rendre compte que leur vengeance peut être terrible... L'une des ultimes séquences, mettant en scène ces asticots humains rampant sous la pluie et en route pour un véritable carnage est particulièrement impressionnante. Outre cette fin qui fout des frissons dans le dos, se dégage de cette oeuvre une magnifique candeur malheureusement rapidement souillée par ces êtres "humains" pervers. On oscille du coup constamment entre une profonde tendresse - notre fameux couple de nains - et une violence - ce poireau d'Hercule - qui peut surgir au coin de chaque roulotte. Il y a en plus, en bruit de fond, comme un petit rire sarcastique et sardonique porté sur ces drôles d'individus qui vont se révéler pleins de solidarité lorsque l'un d'eux sera en danger. Un petit bijou désormais grand classique... Faut toujours respecter un plus petit que soi, c'est po nouveau.