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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 août 2009

La Table Tournante de Paul Grimault et Jacques Demy - 1988

18880435_w434_h_q80Gloire au camarade Shang qui me permet de compléter de façon pointue l'odyssée demyphage. A l'heure qu'il est, il doit être en train de cuver la soirée rhum-coca d'hier soir, et étant dans le même état je ne peux que constater que La Table Tournante était le film idéal aujourd'hui. Retour donc sur l'oeuvre gentiment poétique de Paul Grimault, entre images réelles filmées par Demy et montrant le sieur dans sa salle de montage, et courts-métrages d'animation sillonant 45 ans de création. Bon, Grimault, on aime ou on aime pas ; je ne suis pas très client, et je dois dire que plusieurs de ces petits films m'ont pas mal ennuyé. Cette poésie sans conséquence faite de petits oiseaux qui se cachent sous les chapeaux des épouvantails ou de bergères quiches me laisse indifférent, et même si je reconnais l'originalité du ton et des rythmes, j'ai quand même souvent baillé, et pas seulement à cause du rhum.

18880436_w434_h_q80Ceci dit, on découvre dans cette compil une face plus intéressante de l'oeuvre de Grimault, celle qu'il écrivit avec Prévert, sombre, politique, maniant un futurisme désespéré et traitant déjà de thèmes à la mode aujourd'hui : écologie, dictatures, racisme, vénalité des puissants. Dans ces films-là (Le Chien Mélomane, Le Diamant, Le Fou du roi), on sent une amertume qu'on n'attendait pas, et on se dit que le grand malentendu de la carrière de Grimault est sûrement d'avoir été cantonnée dans l'oeuvre pour (petits) enfants. D'autant que ces films sont non seulement intrigants dans le fond mais aussi dans la forme : lenteur des mouvements (une sorte d'anti-école hollywoodienne), travail étrange sur le son, la musique et les voix (réalistes, mais comme émises sous un voile), brouillage constant des espaces (un oiseau peut se retrouver sous l'eau ou un poisson danser sur la terre ferme). Quand Grimault s'essaye à des farces plus directement inspirées de Walt Disney (le fade Voleur de Paratonnerres), ça pèche du coup pas mal dans les rythmes, et on sent que le bougre n'est pas vraiment fait pour le délire et l'absurde.

208848_2739009Bien dommage aussi que La Table Tournante reste dans son ensemble adressé aux petits, et s'y cantonne. Il y aurait eu matière pour un vrai film sur le travail de Grimault, ses techniques, ses thématiques ; mais l'idée intéressante de le confronter en images réelles à ses personnages ne mène à rien d'autre qu'à un dialogue mal tenu. Grimault se contente d'envoyer ses films dans la machine, en précisant une date ou un titre, mais sans jamais réagir à ce qu'on voit, sans jamais expliquer. Pour un documentaire sur son oeuvre, on repassera. On espérait aussi que la présence de Demy derrière la caméra déboucherait sur un document sur l'artisanat, un peu comme Le Sabotier du Val-de-Loire, et on sent dans les premières minutes qu'il y a un peu de ça : Grimault explique comment il arrive à faire bouger une table en utilisant l'image-par-image, et on se dit que Demy va adorer filmer ces gestes précis, cet émerveillment d'une oeuvre en train de se créer dans la modestie d'un petit atelier. Mais ça fait long feu, et Demy disparaît bien vite en balançant toute vélléité de style aux orties. A l'exception d'une fugace scène avec Anouk Aimée, gentiment mélancolique, les scènes réelles sont plates.

film_80Si à mon inverse vous avez gardé un coeur d'enfant pur, vous aimerez sûrement La Table Tournante, jolie petite chose un poil ringarde mais justement touchante pour cette poésie innocente ; si vous êtes devenu comme moi une brute épaisse gorgée au rhum, vous n'en aimerez qu'un tiers, sa partie la plus sombre, ce qui n'est déjà pas si mal.

Tout Demy : clique

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