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10 juillet 2009

Spiderman 2 de Sam Raimi - 2004

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Les deux premiers épisodes de Spiderman témoignent quand même d'une belle ambition au sein des carcans rigides du cinéma de divertissement. Spectaculaires à mort, contentant sans aucun problème les ados venus prendre une dose d'adrénaline en tripotant les genoux de leurs voisines, ils n'en oublient pas pour autant de parler avec pas mal d'audace de leurs petites misères intimes, leur renvoyant en pleine face la trivialité de leurs fantasmes de super-héros : après avoir traité de la naissance de la sexualité, de la découverte de son propre corps, et des difficultés à canaliser les montées de la sève dans le premier opus, Spiderman 2 continue brillamment sur cette lancée, avec peut-être un peu plus d'insolence encore. Il va être question ici d'impuissance, aussi bien sexuelle que sentimentale, de la difficulté à devenir soi-même, et des choix moraux ardus qu'on est bien obligés de faire à un moment ou à un autre.

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Peter Parker possède maintenant parfaitement le pouvoir de ses éjaculations. Mais il reste un ado, envisageant le monde de façon binaire (les gentils et les méchants), se cherchant en vain un but, une raison d'être. Incapable d'avouer ses sentiments à sa poulette, brimé et humilié par tous (son patron, le chef de la gazette pour qui il travaille, son pote...), il va vite transposer son impuissance sociale sur son corps ; voilà que les toiles d'araignée ne jaillissent plus de ses mains, lui valant quelques chutes douloureuses qui symbolisent bien son effondrement intérieur. Il doit alors se poser la question, à l'orée de son entrée dans la vie adulte : va-t-il choisir de demeurer le "nerd" poli qu'il est en substance, ou doit-il accepter d'être le nouveau Messie de la veuve et de l'orphelin, le héros que la société attend pour combattre les terroristes ? Jolies séquences au cours desquelles il décide de redevenir un enfant sage et lâche, se détournant des dangers et assistant en bon élève aux cours de la fac : le film y gagne une sorte de quotidienneté qui fait d'habitude défaut à ce genre de productions. D'ailleurs, le film est très drôle quand il explore cette piste, entre les lessives de Spiderman (son costume déteint sur ses chaussettes), la banalité de ses actes (il attrape les méchants en vrai fonctionnaire, et se sert aussi de ses pouvoirs pour livrer des pizzas en un temps record), et un final très popotte ("- Chérie, le devoir m'appelle, je dois aller arrêter les bandits / -Ok, bonne journée, m'amour", en gros). Raimi explore le petit monde intime de l'adolescence avec beaucoup d'humour et d'intelligence. S'il se vautre assez impitoyablement dans les séquences purement sentimentales (la faute aux acteurs décidément très mauvais, et à des dialogues à deux balles), il parvient à toucher quelque chose d'assez profond au sein même du spectacle le plus échevelé.

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La grande trouvaille de cet opus 2, c'est le vilain, sorte de double maléfique de Spiderman. Ce "Docteur Octopus" a quelque chose de shakespearien : restant au fond de lui-même un scientifique humaniste et bon, il est malheureusement affublé de quatre bras mécaniques démoniaques qui luttent contre sa générosité. Encore une fois, Raimi parvient à rendre concret et spectaculaire un concept très intime, le combat moral intérieur. Les monologues d'Octopus au bord de la rivière, luttant contre ses bras pour retrouver son innocence, sont magnifiquement écrits et mis en scène. Belle prestation, d'ailleurs, que celle d'Alfred Molina, à la fois super graphique et hanté par son combat intérieur. Cet épisode n'est pas encore, du coup, tourné vers le tout numérique, il reste d'une intéressante densité humaine, même s'il tombe souvent dans un virtuel un peu gavant (le règne de l'écran vert et des images de synthèse qui se battent entre elles). A part dans ces scènes, les décors restent crédibles et plutôt agréables à regarder ; l'histoire est ancrée dans une ambiance réelle (la rédaction du journal, les petites ruelles torves, les maisonnettes de banlieue). C'est cette alternance de "bigger than life" et de quotidienneté qui fait la réussite de Spiderman 2 : entre des séquences dopées à la testostérone (Spiderman qui arrête un métro à la force des bras, ou porté en Messie par une population américaine post-11 septembre solidaire et en manque de héros) et d'autres beaucoup plus modestes, le film surfe très habilement.

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L'opus 3 verra malheureusement ce style exploser en mille morceaux, et Raimi abandonner la critique intime pour le feu d'artifice vain. Il y aurait de la place pour un épisode consacré à la vie maritale de Spiderman, et on a envie de voir ce que Peter Parker adulte peut devenir. Ce sera peut-être pour le quatrième jet...

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