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1 juillet 2009

Le pauvre Coeur des Hommes (Kokoro) (1954) de Kon Ichikawa

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Film au tempo relativement lent et aussi triste que le titre français le laisse présumer mais, encore une fois, splendidement mis en scène par Kon Ichikawa. Chaque séquence est magnifiquement découpée, chaque changement d'angle semble aller de pair avec la phrase qui est échangée - s'attachant là à un visage, ou ici à un geste ou encore à un simple mouvement des individus dans la pièce - comme pour donner un maximum de poids, de sens, de profondeur à chaque mot. Relativement lent, disais-je, mais parler de regrets éternels, de suicide, de mort (l'action se situe, qui plus est, lors de la mort-même de l'Empereur et la fin de l'ère Meiji (en 1912, ouais), la fin d'un monde en soi) ce n'est pas forcément la fête du slip à tous les étages. Film claustrophobique presque, en un sens, comme si l'on se retrouvait dans la peau de Nobuchi, homme enfermé et taciturne s'il en est, un héros qui semble attendre le moment propice pour mettre doucement fin à ses supplices, comme si le passé l'avait rogné de l'intérieur.

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Nobuchi est un être plus paisible qu'un nuage de vapeur sur un thé au jasmin qui visite en solitaire la tombe de son ancien pote mort treize ans plus tôt. Sa femme le soupçonne de lui cacher tout un pan de sa vie, une histoire (une femme, son passé...?) et demande de l'aide à un jeune étudiant qui semble avoir sympathisé avec le Nobuchi. Quel mal-être se cache derrière son comportement de plus en plus larvaire? L'étudiant a fait la connaissance de Nobuchi alors que ce dernier, parti pour se baigner, semblait être prêt à se laisser engloutir par les flots - superbe séquence sous-marine muette au passage (les lèvres des deux hommes remuant sans que l'on perçoive un quelconque son): l'étudiant va t-il sauver Nobuchi de la noyade morale, en parvenant à faire remonter à la surface ce qui plonge celui-ci dans le désespoir? Nobuchi se tâte, semble prêt à vouloir s'ouvrir à ce nouvel ami, mais malheureusement l'étudiant est appelé auprès de son père mourant.

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Nobuchi, ne pouvant le faire de vive voix, va alors se livrer à une confession par écrit pour décrire les tourments qui l'obsèdent : il avait auparavant fait part, auprès de l'étudiant, du sentiment de trahison qu'il avait eu vis-à-vis d'un oncle qui l'avait blousé au moment de son héritage familial - lui expliquant ainsi son peu de confiance par rapport aux hommes en général -; cette fois-ci, on va revivre lors d'un long flash back la trahison dont il se sent lui-même responsable. Son pote d'enfance jouera un rôle central lors de ce long flash-back : on sera témoin de leur amitié, de leur complicité, mais aussi de leur différence de point de vue quant à la façon de bien mener sa vie - son pote semblant privilégier, pour sa part, son développement intellectuel et spirituel, quitte à fermer les yeux sur son entourage, se cloisonnant comme un lingot dans un coffre-fort suisse. Et puis, et puis, il y a une femme, la fille de leur propriétaire, qui ne laisse point le timide Nobuchi indifférent... ni son pote.

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C'est raconté grain par grain de riz et Ichikawa nous gratifie au passage de quelques plans d'une sobre beauté - Nobuchi, petit point sur la plage, ce petit train qui s'enfonce dans la campagne, le visage lumineux mais terriblement triste de la compagne de Nobuchi - jusqu'à faire d'un gros plan métaphorique (le pied de Nobuchi qui s'enfonce dans la boue lorsqu'il croise par hasard son pote avec la fille du proprio qui reviennent ensemble de la ville) le tournant de son histoire. Ce premier pas dans la fange va conduire Nobuchi à prendre une décision ultra lourde de conséquence... C'est certes pas le genre de film qui vous fait marrer toutes les quinze secondes, c'est clair, mais il est de ceux, par la "tristesse zen" qu'ils dégagent, qui font doucement leur chemin jusqu'à votre petit coeur. Le propre des grands.      

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Commentaires
B
Je viens de le voir aujourd'hui. Certains évoquent aussi un penchant homosexuel de Nobuchi envers les deux amis qu'il possède aux différentes époques de sa vie.
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X
Moi et les formats...j'en fait bip plus d'un avec ! (par contre je n'ai toujours pas vu le film, mais cette critique ne fait qu'appuyer tout le bien que je pensais du film de par mes lectures ça et là!)
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S
Cher Xavier <br /> <br /> C'est le genre de commentaire qui me scie par sa précision! Vous avez raison (enfin sur la jaquette, pour être péchu, c'est du 1.37:1) mais j'ai en fait pris les très belle photos sur le site de masters of cinema qui sont, bizarrement, de ce format.<br /> <br /> Cher Didier <br /> <br /> c'est bien une adaptation de Soseki. Je ne manquerai point de découvrir cet auteur à l'occase.<br /> <br /> Les gars, vous êtes diablement au taquet!
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X
Le film est tourné en scope (selon les photos)? De mémoire, c'était du 1.33, non?
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D
J'ignorais l'existence de cette adaptation. Mais je ne saurais trop vous conseiller de lire le roman portant le même titre, qui est peut-être le chef-d'oeuvre de Nastume Soseki. Un livre sublimissime, sans exagérer (ce n'est pas mon genre). <br /> (A part ça j'ai vu "Le temps d'aimer et le temps de mourir" la semaine dernière, et je partage ô combien votre enthousiasme pour Sirk.)
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