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30 juin 2009

La Ronde de l'Aube (The Tarnished Angels) de Douglas Sirk - 1958

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Voilà encore une fois un film d'une classe absolue, qui prouve que Sirk est aussi bon dans le noir et blanc que dans la couleur. Fini le mélodrame pur et dur, nous voici dans ce mélange de sécheresse et de sentimentalisme propre à Faulkner, dont The Tarnished Angels est une adaptation. Très bonne adaptation d'ailleurs (de Pylône), puisque Sirk arrive magnifiquement à rendre à l'écran les rouages complexes des personnages faulknériens, notamment cette attirance vers la boue et l'abîme qui fait la marque des romans du sieur. Ici, c'est un pilote d'avion (Robert Stack, photogénique), héros déifié de la dernière guerre, qui joue sa vie dans des courses miteuses et s'enfonce avec masochisme dans la manipulation amoureuse envers sa femme (extraordinaire Dorothy Malone, belle à s'évanouir, et qui se déplace en glissant sur le sol, comme en apesanteur). Elle-même prend un plaisir torve à sacrifier ses sentiments pour ce héros malsain, tournant le dos à la bonté d'un journaliste qui fond pour elle (Rock Hudson, impeccable de tenue, et qui a droit à un monologue final d'anthologie) ou à son amoureux de l'ombre (le second couteau très touchant Jack Carson). On est dans les sentiments contraires, dans la complexité de l'amour, et le film enregistre avec précision et sensibilité ces méandres, trouvant sans arêt des équivalences visuelles à ces tourments abstraits.

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Une fois de plus, la mise en scène est magique : elle fait toucher du doigt les rapports de personnages par la seule force de la construction des plans. Sirk s'amuse encore avec les miroirs, ou avec ces lignes verticales qui coupent l'écran en deux, ou avec ces plans a priori simples mais qui, dès que la caméra opère un travelling arrière, deviennent très complexes, multipliant les rapports et les regards entre les personages. Les mouvements de la caméra semblent épouser directement les gestes des acteurs, de façon très millimétrée et en même temps infiniment sensible, infiniment raffinée. Une femme qui se détourne de celui qui l'aime pour échapper à son regard, et hop la caméra recule avec elle pour cadrer l'homme qui esquisse un geste vers elle ; un enfant pleure la mort de son père, la tête baissée, et hop un travelling glisse vers un vieil homme qui le regarde en gros plan : c'est virtuose et c'est la preuve d'un intense amour de Sirk pour ses acteurs et pour l'espace. La construction de chaque séquence est sur-puissante, sans en rajouter, comme si c'était évident. Il y a notament la grande scène spectaculaire de la course en avion, savant montage sophistiqué entre des plans d'ensemble sur la course, des gros plans sur les pilotes, des inserts sur les spectateurs haletants et des plans de coupe divins sur le fils du pilote qui imite son père dans un manège pour enfants. La tension est palpable dans ces 5 minutes-là, grâce à ce sens parfait du tempo, de la gestion de l'émotion, du spectaculaire.

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Le reste du film est à cette hauteur, entre les scènes hyper-glamour entre Hudson et Malone, filmées dans un noir et blanc d'une grande élégance, et les moments de bravoure que constituent la lente réparation d'un avion tout cabossé, la déchéance superbe de l'épouse meurtrie ou le final crépusculaire. The Tarnished Angels appartient à ce cinéma disparu qui, à chaque seconde, semble entrer dans quelque chose d'immortel, une magie incompréhensible. C'est peut-être la fragilité de ce film, qu'on peut aussi appeler son côté désuet, qui le rend si touchant : on sent que derrière cette histoire de virilité mise en doute, il y a quelque chose de déjà à moitié mort, et le charme du film tient beaucoup à cette mélancolie triste. Sirk est en passe de devenir mon idole.

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