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19 juin 2009

Anna Karénine (Love) (1927) d'Edmund Goulding

garbo211

On peut pas dire qu'on ressorte vraiment transcendé de cette première version d'Anna Karénine, en muet, interprétée par Garbo. Bien qu'apparemment la relation en privée entre John Gilbert et Greta Garbo ait été exploitée jusqu'à influencer le titre ("John Gilbert in Love with Greta Garbo", c'est plus classe quand même que "John Gilbert in Anna Karénine"), les scènes les plus touchantes dans le film sont celles entre Greta et son gamin qu'elle mamourise tant et plus - m'aurait pas déplu d'être le gamin, soit dit en passant... Pour le reste,  ce sont les éternelles séquences du premier baiser volé, des plates excuses du Comte Vronsky ("Je savais po que vous étiez marié avec votre grand-oncle, sorry lah"), de l'amour plus fort que tout ("On se casse en Italie trois mois, quitte à vivre ensuite des allocs") et de la séparation forcée... Je fus victime, pour ma part, du happy end de la version américaine qui est tout de même un peu cruche - trois ans plus tard, Vronsky et Anna, veuve, se retrouvent : trop cool. Et puis 265084quitte à faire la fine bouche, qui a eu l'incroyable idée de mettre sur la bande-son (j'ose espérer que cela n'est pas le cas de toutes les versions en DVD) les réactions du public (rires (massifs), étonnements (ohh, aahhh) voire applaudissement) ? : il y a un petit côté vidéo gag qui pète tout de même le charme... Du jamais vu - et entendu - pour ma part, surtout pour ce genre de film qui ne génère une immense poilade ("Il fait beau aujourd'hui Anna" aaaaaaaaaaaah - "J'aime bien faire du cheval" ooooohoohohohoho (il y a des types qu'il faudrait tout simplement pendre, avec les bobines d'un film de Mocky (faut po gâcher non plus))... Bref, on a droit tout de même à une partie de chasse à courre bien emballée (je suis dans les films sur les chevaux en ce moment, nouveau tag) et surtout à une course endiablée de chevaux - j'enfonce le clou - avec de multiples gaufres des cavaliers dans tous les sens. Vronsky se mange d'ailleurs méchamment une haie et la réaction terriblement surjouée de Greta est, au passage, assez ridicule. Je sais bien qu'à l'époque du muet fallait parfois en faire des tartines, mais là on a franchement l'impression qu'on a glissé deux scolopendres dans son slip et qu'elle va faire une attaque cardiaque. Autant lorsqu'elle laisse planer un vague sourire sur son visage après avoir enlevé sa voilette, elle est divine (remarquez les allitérations en [v], merci), autant (bis) je conteste résolument sa soi-disant froideur (les séquences avec l'enfant, étant, une fois de plus, assez merveilleuses de complicité), autant (ter) elle joue mutinement de son sourcil gauche dans les grandes occasions, autant pour jouer les passages où elle est "horrifiée", on se marre - elle se tord dans tous les sens comme un bonzaï qui ferait de la résistance... Le scénario est épuré, on ne peut pas lui reprocher, mais manque tout de même un peu d'allant, de souffle romanesque... Plus en tête la version de 1935 signée Clarence Brown, je tente de finir cette période muette de la Greta avant peut-être de revenir à la parlante que j'ai découverte pourtant il n'y a pas si longtemps (juste avant de commencer l'écriture de ce blog, ce me semble...) 

garbo3400

Commentaires
S
Diable Garbitsch, voilà un commentaire emballé et emballant qui me rend tout penaud de n'avoir point, en effet, découvert ce film sur grand écran... Dont acte et revenez sincèrement quand vous voulez pour nous communiquer le feu de votre passion jusqu'à nous garboniser.
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G
Vous avez vu ce film dans de bien mauvaises conditions et j'en suis désolé pour vous, ce film vaut bien mieux que votre première impression. Je connais la version en question, c’est un enregistrement live d’une projection qui a eu lieu à Los Angeles, l'accompagnement est très joli quoique un peu répétitif, en tous cas il convient bien à l'atmosphère du film, mais le public (probablement totalement novice) a le malheur de se gausser bruyamment et notamment lors de la sublime scène de l'auberge où John Gilbert ne peut détacher son regard de la fascinante Garbo. C'est ce qui s'appelle donner de le confiture à des cochons.<br /> <br /> Cela dit, avec un accompagnement digne de ce nom et sur grand écran, Love, pour un fan de Greta Garbo qui se respecte, c'est simplement le paradis ! D''ailleurs je trouve la version muette, quoique pour le coup à mille lieues du roman de Tostoï pour ce qui est de l'intrigue et des personnages, largement plus réussie que la version parlante de Clarence Brown en 1935 avec la même Garbo (qui reste un bon film cependant). Dans Love, Garbo a rarement été aussi bien filmée et son interprétation est à couper le souffle de bout en bout, véritablement poignante. John Gilbert est aussi à son meilleur, à la fois très expressif comme on le connait mais aussi très nuancé la seconde d'après et ce contraste est simplement saisissant ! Fredric March n'est pas mauvais dans son interprétation de Vronsky, il est même plutôt bon, mais Gilbert est infiniment plus touchant et la réalisation le met bien plus en valeur. Et donc le couple Gilbert-Garbo fonctionne à merveille (mon dieu la scène de l'auberge !). Quant au duo mère-fils, c'est le plus sublime qu'il m'ait été donné de voir au cinéma, avec un Philippe de Lacy extraordinaire de complicité avec Garbo, de la trempe d'un Jean Forest dans Gribiche ou Visages d'enfants, alors que Freddie Bartholomew qui reprend le rôle de Serge dans la version de 1935 paraît bien pataud et on a un peu de mal à croire qu'une mère aussi divine que Garbo ait engendré un enfant aussi fade.<br /> <br /> Love me paraît donc infiniment supérieur à Anna Karénine de 1935. D'abord, il a la qualité de laisser de côté tout le faste qu'il y a chez Tolstoï et on échappe ainsi à une reconstitution d'époque d'un ennui mortel avec 100000 personnages et 30 histoires secondaires (cela dit j'adore les romans de Tolstoï, mais les adaptations qui sacrifient tout à la grandiloquence des décors et des costumes me gonflent au plus haut point : par exemple autant j'adore Queen Christina avec Greta Garbo, autant j’ai du mal avec L'Impératrice rouge où règne Marlène Dietrich). Dans la représentation du faste de St-Petersbourg, Anna Karénine a demandé un investissement sans comparaison avec Love, c'est certain, mais le film n'en est pas plombé pour autant, il tient même très bien la route et les costumes et les coiffures de Garbo sont très réussis. Mais il y manque la spontanéité éclaboussante de Love qui est un film sans fioritures inutiles et à la fois très poétique et qui nous montre simplement une magnifique histoire d'amour. Love c'est de l'émotion à l'état pur, et il est impossible de ressortir intact d'une telle projection. Anna Karénine, bien que Garbo y soit éblouissante, c'est juste un bon film à qui il manque quelque chose (un « souffle romanesque » par exemple) pour que le spectateur prenne véritablement fait et cause pour le couple Anna/Vronsky. Et qui plus est, toutes les scènes d'Anna Karénine que l'on voit dans Love sont beaucoup moins bien réalisées : notamment dans la course de chevaux où Gilbert fait une chute terrible, la réaction de Garbo est terriblement mal captée, sans compter le montage désastreux et incompréhensible.<br /> <br /> Et si Love n'est pas considéré comme un des meilleurs muets de Garbo (au contraire de l'encensé Flesh and the Devil qui pour moi est un nanar complet bourré d'énormités), c'est juste une anomalie car on a là une succession étourdissante de scènes sublimes, même pas clichés, et surtout d'une simplicité incroyable : la rencontre d'Anna avec Vronsky sous la neige et toute la scène de l'auberge, le passage où Anna souhaite bonne nuit à son fils Serge et allume une bougie qui ne doit pas s'éteindre sous peine d'attirer le malheur, la chasse à cheval où Vronsky et Anna faussent compagnie à leurs hôtes et se retrouvent en tête à tête, chez Anna le baiser avec Vronsky interrompu par l'arrivée de Serge qui frappe à la fenêtre et Anna embrasse alors son fils à travers la vitre pendant que Vronsky se meurt de jalousie, évidemment la sublime course de chevaux avec une Anna débridée qui extériorise tout son amour pour Vronsky sous le regard réprobateur de son mari, et cette scène atteint son paroxysme au moment de la chute, le court passage qui montre Anna et Vronsky en exode en Italie, avec une Anna exsangue de l'absence de son fils et un Vronsky qui ne supporte plus cet amour partagé, le retour du couple à St-Petersbourg pour l'anniversaire du fils d'Anna et l'entrevue miraculeuse de la mère avec son fils (le paroxysme du film) où Anna monte un circuit de train électrique pendant que Serge dort encore, la séparation Anna/Vronsky à l'hôtel où Anna renonce à Vronsky par amour, et bien sûr, la fin heureuse.<br /> <br /> A propos de la course de chevaux où vous trouvez la réaction du personnage de Garbo par trop extravertie ridicule, je la trouve au contraire en parfaite adéquation avec les péripéties qui se déroulent à l'intérieur de la course, et absolument pas surjouée quand on connait l'intensité de son amour pour Vronsky. Sa démonstration de sentiments va simplement crescendo au fur et à mesure que les chutes se succèdent ou que Vronsky double ses concurrents (d’ailleurs dans le roman de Tolstoï, la course est réellement un désastre avec une dizaine de cavaliers qui se gauffrent, au point que l’empereur manifeste publiquement son mécontentement, vexé devant le triste spectacle proposé par ses officiers). Jusqu'à la chute de Vronsky lui-même, la réaction de Garbo n'a rien de disproportionné par rapport à l'enthousiasme général. La chute, c'est bien sûr le choc, la stupeur, l'hystérie. Ca pourrait être too much, mais en fait non, c'est tout à fait crédible au vu du personnage et le montage est à mon sens absolument réussi et développe avec brio toute la palette d'émotions par lesquelles passe Garbo dans cette course tout en préparant le spectateur au point d’orgue, et en mettant très intelligemment en parallèle les réactions du public et du mari. Et c'est intéressant de voir à quel moment le mari pourtant passionné lui aussi par la course, réalise que sa femme n'a d'yeux que pour un certain cavalier. C’est seulement après la chute que la conduite d'Anna devient publiquement inconvenable.<br /> La scène qui suit immédiatement est aussi très forte en émotion : où l'on voit une Anna totalement vidée de toute substance et quasiment absente, qui ensuite explose de colère, puis vient le désespoir, l'ironie, la résignation, tout ça dans les yeux de Garbo en quelques secondes, c'est très fort ! Et le début de la scène avec une Garbo absente contraste superbement avec la rare intensité de la course. Bref, il y a beaucoup d'intelligence dans la manière dont les scènes ont été agencées, dans le montage en lui-même, dans la mise en scène, et il y a du génie et une grâce inouie chez Garbo. Pour moi c'est sa meilleure interprétation dans sa période muette.<br /> <br /> <br /> A noter qu'il existe une version particulière du film : en 2010, lors de la rétrospective Garbo au festival international du film de La Rochelle, le film qui a été projeté était une copie montée avec les 2 fins, d'abord la fin tragique, suivie de la fin heureuse. Et j'avoue que j'ai été véritablement conquis par ce choix peu académique : la fin tragique n'étant pas totalement explicite (on voit le train arriver très vite mais pas Anna se jeter véritablement dessous), la fin heureuse qui suit n'en est que plus belle et donne encore plus de relief au personnage d'Anna.<br /> <br /> <br /> De toute façon, pour véritablement juger un film avec Greta Garbo, il faut l’avoir vu sur grand écran, pas dans une ignoble version de la Warner. J’imagine même pas ce que doit donner La Légende de Gösta Berling sur petit écran ! C’est pour Greta Garbo que le cinéma a été inventé. La télévision pour l’inspecteur Colombo. Quant à la Warner on se demande à quoi elle sert, vu le nombre de muets qu’elle possède et qu’elle n’éditera jamais en dvd.
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