Anna Karénine (Love) (1927) d'Edmund Goulding
On peut pas dire qu'on ressorte vraiment transcendé de cette première version d'Anna Karénine, en muet, interprétée par Garbo. Bien qu'apparemment la relation en privée entre John Gilbert et Greta Garbo ait été exploitée jusqu'à influencer le titre ("John Gilbert in Love with Greta Garbo", c'est plus classe quand même que "John Gilbert in Anna Karénine"), les scènes les plus touchantes dans le film sont celles entre Greta et son gamin qu'elle mamourise tant et plus - m'aurait pas déplu d'être le gamin, soit dit en passant... Pour le reste, ce sont les éternelles séquences du premier baiser volé, des plates excuses du Comte Vronsky ("Je savais po que vous étiez marié avec votre grand-oncle, sorry lah"), de l'amour plus fort que tout ("On se casse en Italie trois mois, quitte à vivre ensuite des allocs") et de la séparation forcée... Je fus victime, pour ma part, du happy end de la version américaine qui est tout de même un peu cruche - trois ans plus tard, Vronsky et Anna, veuve, se retrouvent : trop cool. Et puis quitte à faire la fine bouche, qui a eu l'incroyable idée de mettre sur la bande-son (j'ose espérer que cela n'est pas le cas de toutes les versions en DVD) les réactions du public (rires (massifs), étonnements (ohh, aahhh) voire applaudissement) ? : il y a un petit côté vidéo gag qui pète tout de même le charme... Du jamais vu - et entendu - pour ma part, surtout pour ce genre de film qui ne génère une immense poilade ("Il fait beau aujourd'hui Anna" aaaaaaaaaaaah - "J'aime bien faire du cheval" ooooohoohohohoho (il y a des types qu'il faudrait tout simplement pendre, avec les bobines d'un film de Mocky (faut po gâcher non plus))... Bref, on a droit tout de même à une partie de chasse à courre bien emballée (je suis dans les films sur les chevaux en ce moment, nouveau tag) et surtout à une course endiablée de chevaux - j'enfonce le clou - avec de multiples gaufres des cavaliers dans tous les sens. Vronsky se mange d'ailleurs méchamment une haie et la réaction terriblement surjouée de Greta est, au passage, assez ridicule. Je sais bien qu'à l'époque du muet fallait parfois en faire des tartines, mais là on a franchement l'impression qu'on a glissé deux scolopendres dans son slip et qu'elle va faire une attaque cardiaque. Autant lorsqu'elle laisse planer un vague sourire sur son visage après avoir enlevé sa voilette, elle est divine (remarquez les allitérations en [v], merci), autant (bis) je conteste résolument sa soi-disant froideur (les séquences avec l'enfant, étant, une fois de plus, assez merveilleuses de complicité), autant (ter) elle joue mutinement de son sourcil gauche dans les grandes occasions, autant pour jouer les passages où elle est "horrifiée", on se marre - elle se tord dans tous les sens comme un bonzaï qui ferait de la résistance... Le scénario est épuré, on ne peut pas lui reprocher, mais manque tout de même un peu d'allant, de souffle romanesque... Plus en tête la version de 1935 signée Clarence Brown, je tente de finir cette période muette de la Greta avant peut-être de revenir à la parlante que j'ai découverte pourtant il n'y a pas si longtemps (juste avant de commencer l'écriture de ce blog, ce me semble...)