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14 juin 2009

Muriel Leferle de Raymond Depardon - 1994

32355294_p"En diffusant l'intégralité des auditions de Muriel, sans couper, j'ai voulu montrer que la force des images peut venir des gens que l'on filme, tout simplement..." On reconnaît bien notre bon Raymond là, qui livre effectivement avec Muriel Leferle son film le plus brut. On avait été interloqué déjà, dans Délits Flagrants, par cette jeune paumée aux prises avec la justice : Depardon décide de montrer l'intégralité de ses auditions, en 4 plans simples (au sein desquels il y a de très légères variations de recadrages, mais trop minuscules pour qu'on s'y arrête) : un flic en faction à l'entrée du bureau du procureur pour planter le décor, une audition avec une psy, une autre avec un procureur et une dernière avec un avocat. Plans quasi-fixes, larges, 2 profils face à face, et de la parole sur 1h16.

murielleferle_19Tout comme dans Délits Flagrants, on assiste ici à une oeuvre d'utilité publique, qui nous fait pénétrer avec une acuité confondante dans le secret de ce qui se dit dans ces débats ardus entre prévenus et justice. Le spectateur est placé dans le rôle de la société, qui regarde sans intervenir. Si une foule de sentiments contradictoires jaillissent à la vision de Muriel Leferle, la rigueur du procédé et du dispositif éloigne toute tentative "d'intervention" : on regarde objectivement, tour à tour amusé, effrayé, révolté, mais toujours happé par cette impression de vie en action. Il faut dire que Muriel est un personnage : séropositive, droguée, prostituée, en rupture avec la société, voleuse à la tire, inconsciente, menteuse, maladroite, provocatrice et touchante, elle est l'archétype du "cas d'école" pour tout étudiant en droit. Comment aider un être aussi perdu, quelle solution lui proposer dans un monde dont elle s'est totalement exclue ?

murielleferle_23Ce qui est le plus beau, c'est cette subtilité dans l'enregistrement de la parole, celle professionnelle et souvent empathique des avocats et autres procureurs, celle confuse et humaine de l'accusée. On suit passionnément tout le jeu de corde raide pour la faire accoucher d'une vérité, pour toucher le noeud du problème, pour lui trouver une issue, en enrageant de la voir si butée dans ses mensonges rocambolesques, en se décourageant devant son obstination et sa légèreté, en applaudissant chaque fois qu'un de ses interlocuteurs arrive à faire émerger sa douleur et sa fragilité. Pour toucher d'aussi près à la vérité humaine, il fallait un cinéaste profondément préoccupé par les gens : Depardon est l'exemple parfait.

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