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30 mai 2009

Une Chambre en Ville de Jacques Demy - 1982

18871972Que ça fait du bien de voir le bon Jacques sortir la tête de l'eau, après une suite de films au mieux sympathiques (Lady Oscar), au pire ratés (La Naissance du Jour) : Une Chambre en Ville renoue avec les plus grands films du compère, revenant mélancoliquement sur les traces de ses anciennes amours (Nantes, l'enfance, le film musical, le romantisme noir) et confrontant cet univers connu avec une actualité politique forte. Le film est sublime, doté d'un ton éminemment personnel, se moquant de toute mode pour tracer sa route.

Comme le fait judicieusement remarquer un critique dans les bonus du dvd, Demy quitte ici le sentier de la comédie musicale pour explorer les codes de l'opéra. Car Une Chambre en Ville est ouvertement tragique, et outré. Si les autres "musicals" du sieflFl_Illustration_25831ur allaient chercher dans des choses très sombres, c'était presque en s'excusant, pour surprendre ; ici, on est en plein dans les sentiments exacerbés, jalousie, honnêteté morale, lutte des classes, meurtres et suicides. La musique de Michel Colombier, beaucoup plus symphonique et puissante que les ritournelles de Michel Legrand, transforme ces portraits de gens ordinaires en symboles sacrifiés du monde contemporain, et confère au scénario une aura mythique incroyable. On ne rit plus cette fois-ci : on regarde un destin se dérouler jusqu'au drame fatal. Même si tout est là de l'univers habituel de Demy, des couleurs du papier peint aux rapports douloureux entre mère et fille, son cinéma se fait délibérément noir.

En plus de la musique, il y a ces personnages très typés, et auxquels les acteurs confèrent une éxagération qui fonctionne superbement. PicUne_chambre_en_villecoli en barbon tragique, torturé par la jalousie, est énorme, grimaçant, dessiné et maquillé comme un de ces perdants magnifiques qu'on pourrait trouver chez Puccini ; Darrieux, très à l'aise dans ce rôle qui l'a suivie toute sa vie, est dérangeante, très ambigüe en aristocrate frustrée qui finira par avouer sa haine de la bourgeoisie ; Dominique Sanda, en bourgeoise refoulée, apporte une touche glacée à cette galerie de portraits de la upper-class de province. En face, les ouvriers, Berry, Stévenin, et l'adorable Fabienne Guyon, sont des archétypes de prolos en lutte. Les deux scènes où ces ouvriers en grêve affrontent les CRS sont frontales, Demy ne se cachant pas de son discours manichéen et finalement juste : il y a deux mondes, qui ne peuvent pas se rencontrer, et si jamais vous avez l'audace de mettre un pied dans l'autre monde, vous serez punis. Ce discours simple et carré est raconté avec une sensibilité qui va droit au coeur, et un sens du mouvement de mise en scène impeccable : les longs tr82Chambre03avellings à la grue, qu'on connaît par coeur chez Demy, servent ici à prolonger le côté abandonné, accablé du film, les couleurs jouent sur des palettes d'opposition (le jaune pétard du polo de Berry face au noir luisant des CRS ou aux marrons vénéneux des intérieurs bourgeois), la musique se désynchronise pour augmenter la douleur : fulgurant et bouleversant regard sur le monde, caché sous une pudeur magnifique. Le troisième chef-d'oeuvre de Demy.

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