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27 mai 2009

Eyes of the Spider (Kumo no hitomi) de Kiyoshi Kurosawa - 1998

vlcsnap_1774892Eyes of the Spider commence là où Serpent's Path s'était arrêté : on retrouve notre vengeur sans pitié à la recherche des tueurs de sa petite fille, et pendant un quart-d'heure on croit même à un remake pur et dur : même garage glauque, même torture psychologique, mêmes grands coups de boîtes en carton dans la face (les boîtes en carton semblent être une sorte d'exutoire dans l'oeuvre de Kurosawa, y a sûrement un truc à creuser là-dedans). Mais très vite, le film prend un autre virage. Après l'exécution sommaire du responsable, Nijima n'est plus le même : il va se trouver enrôlé dans une bande de yakuzas modernes, sur les conseils d'un de ses potes de fac, et va faire de l'assassinat son job quotidien. Le sentiment irrépréssible de vengeance va se trouver canalisé, ou décuplé, par ces meurtres froids qu'il va multiplier.

vlcsnap_1861750Plus lisible que la plupart des grands films abstraits du Kiyoshi, ce film est assurément un des sommets de son art : direct et implacable, burlesque et effrayant, froid comme la mort, il déroule son scénario avec un sens parfait, quoiqu'original et assez barré, de la construction. Comme à son habitude, Kuro multiplie les ellipses, préférant filmer les hors-champs plutôt que le spectacle, l'attente plutôt que l'accomplissement. Les rythmes sont parfaits, mettant en avant le sang-froid de ce personnage pris dans une spirale de violence qui ne le gène pas plus que ça. Eyes of the Spider interroge sans prise de tête ce qui fait qu'un homme bascule dans le meurtre, mais le fait presque nonchalament, sans vraie question. Nijima est un tueur, après avoir été un vague secrétaire qui colle des tampons dans des cases, et puis c'est tout. Pas de grand discours moral : ici, un homme ordinaire devient un exécuteur sans pitié, puis redevient un homme ordinaire, et les fantômes de la culpabilité (il en faut dans tout bon Kurosawa) s'avèrent n'être que de simples poteaux recouverts d'un drap.

vlcsnap_1875898C'est cette froideur et cette absence de questionnements qui convainquent complètement. Kuro marche presque sur les traces de Kitano dans cette façon directe de filmer les meurtres, et aussi dans cet humour très froid qui arrive dans les moments les plus violents. Dans les scènes d'exécution, un flingue s'enraye, ou un randonneur fait irruption, ou on n'est plus vraiment sûrs de l'identité de la victime ; on joue au fressbee alors que des contrats se discutent ; pour arriver à parler avec le big boss, il faut d'abord faire une partie de loup ridicule. Même en poursuivant son exploration de la mise en scène, qui s'affine dans la façon de montrer ces lieux vides et ces angles étranges, Kuro s'amuse, et la farce tranche très agréablement avec la radicalité formelle. On a l'impression d'un film très sérieux qui ne se prend pas au sérieux. Pourtant, la mise en scène est impeccable, mélange de plans "plats" qui montrent simplement un homme devant une fenêtre ou en train de manger, et vlcsnap_1879011de plans larges très beaux sur la nature, qui prennent le temps de regarder des situations absurdes et en profitent pour admirer le paysage. C'est certes mystérieux, on en voudrait à Kuro de ne pas l'être, mais c'est aussi, de façon inattendue, très lumineux et drôle. Une grande réussite qui annonce les chefs-d'oeuvre futurs, aussi bien les films d'épouvante (le fantôme, presque aussi effrayant que celui de Séance) que les décrochages barrés (Doppelgänger).

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