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26 mai 2009

L'Enfance d'Ivan (Ivanovo detstvo) d'Andreï Tarkovski - 1962

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L'Enfance d'Ivan est parfait. C'est pas vraiment ma came, comme on dit, mais franchement je serais bien en peine de définir pourquoi, et je ne peux que m'incliner bien bas devant cette merveille visuelle et symbolique, où on sent bien que chaque plan, chaque idée, chaque seconde est pesée et réfléchie avec un génie total.

Bien que fortement ancré dans l'histoire du cinéma soviétique, tendance Eisenstein surtout pour cette façon de tordre subitement les plans, de rendre presque mythique chaque minuscule élément du décor, le film échappe complètement à l'aspect propagandiste, et à tout son folklore habituel. Les personnages sont épais, vrais, tous chargés d'une profondeur et d'une compléxité qui rompt avec ce type habituel de production. Il y a même presque un côté féminin dans ces soldats tristes perdus au milieu des bois, qui partent en mission avec mélancolie. Pas de trace de virilité déifiée chez Tarkovski : on est du côté des faibles, soldats éffrayés, adolescente manipulée, enfant en quête d'innocence perdue. Le film est d'abord convaincant par ses personnages, endossés par des acteurs parfaits, le petit héros en tête, véritable Doinel mutique et buté, impressionnant de présence.

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Le scénario, même un peu attendu dans son déroulement, est "plein de creux", laissant la part belle aux décrochages plus qu'à la narration elle-même ; l'histoire s'arrête sans cesse pour laisser place à une contemplation des choses infiniment précise et poétique, à des scènes "inutiles" qui approfondissent les personnages, qui font naître des sous-trames minuscules au sein de la trame principale. Une rencontre entre deux amis sur un chemin, un jeu d'enfant au sein des fusillades, quelques rêves éparpillés comme des jalons : c'est lent, mais c'est le rythme parfait pour aller à l'encontre de ce qu'on attend de ce type de film. L'Enfance d'Ivan est un faux film de guerre, qui préfère faire le portrait d'un groupe d'êtres abandonnés au sein des combats, et qui doivent jongler avec leurs sentiments et leur rôle.

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Quant à la technique du film, c'est un festival. Tout ce qu'on peut en dire, c'est que c'est magnifique. Aussi bien d'ailleurs dans le traitement des sons, avec cette musique très basse qui tend chaque instant, ces voix rares et comme feutrées, cette façon de faire éclater une stridence de musique après plusieurs minutes de silence (on reconnaît une influence de Kurosawa, je dirais), qu'au niveau de l'image : un noir et blanc incroyable, des cadres fulgurants, et ces scènes de rêve qui touchent vraiment au coeur du cinéma. Tarko se permet tout, jusqu'à filmer en négatif l'arrière-plan de la scène des pommes (le sommet du film), jusqu'à utiliser une caméra subjective rendue folle au moment le plus incongru. Et ce n'est pourtant jamais crâneur, c'est toujours juste et pertinent. On a envie d'applaudir à chaque plan. Le compère sait manier l'allégorie et le symbole avec une belle justesse, comme dans ce plan sublime où un soldat embrasse une jeune cantinière les deux pieds bien enfoncés de chaque côté d'un fossé alors que la donzelle flotte dans le vide : quelle plus simple image pour exprimer le passage d'un âge à un autre ? Les images bibliques sont délicatement amenées pour faire baigner le tout dans une atmosphère onirique et mystique très prenante. Quand dans les dernières minutes le film nous plonge brusquement dans la réalité la plus horrible (les cadavres de la famille de Goebbels, la reconstitution des pendaisons des nazis), on en est d'autant plus secoués. La perfection, tout simplement.

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