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Shangols
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23 mai 2009

LIVRE : La Route (The Road) de Cormac McCarthy - 2006

1C'est toujours comme ça avec les écrivains vieillissants, et notamment les grands auteurs américains : passé un certain âge, ils se persuadent que ce monde n'est plus pour eux, et tombent de ce fait assez souvent dans une sorte de passéisme fatiguant. La Route est un bouquin formidable, bien sûr, puisqu'il est écrit par Cormac McCarthy. Mais c'est aussi un roman de vieillard qui ne fait plus aucun effort pour affronter le monde tel qu'il est. Il y avait déjà un soupçon de conservatisme dans No Country for Old Men, avec ce flic réac dont on ne savait trop s'il représentait l'auteur ou sa caricature ; cette fois, ça y est, McCarthy rentre définitivement dans le camp des militants du "c'était mieux avant", et c'est dommage.

Le sujet du roman est pourtant vraiment nouveau dans l'oeuvre de Cormac : nous sommes après l'Apocalypse, il reste quelques hommes sur terre, qui pour la plupart sont devenus cannibales. Un homme et son enfant traversent la désolation du monde, sans but, jusqu'à la mer dont ils espèrent un dernier salut. C'est donc vers la science-fiction que se tourne l'auteur de westerns habituel, et dans les premières pages, on est ravi : la rythmique si parfaite (et si bien rendue par l'impeccable traduction) fait son effet. Succession de paragraphes courts, phrases chaloupées, bluesy, qui gèrent génialement les tempos entre concision et soudaines envolées syncopées, dialogues à l'économie, behaviourisme à la Hemingway dans les descriptions précises des paysages, on est bien dans cette musique-là, et on a beau la connaître par coeur depuis Suttree, on la retrouve toujours aussi brillante. Certaines fulgurances viennent trancher avec le faux alanguissement de la chose ("Peut-être que dans la destruction du monde il serait enfin possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L'accablant contre-spectacle des choses en train de cesser d'être."), et la poésie puissante est bien là.

Mais on peut aussi être lassé de cette façon de plus en plus flagrante de séparer le monde entre "gentils" et "méchants", de montrer le monde moderne comme un cataclysme qui trancherait avec la beauté d'un paradis perdu ("Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes."), comme une horreur contre laquelle il faudrait protéger les enfants. McCarthy apparaît un peu comme ces petits vieux qui ne sortent plus de chez eux par peur du monde, et s'enferment dans leurs photos d'un passé fantasmé et buccolique un peu ringard. Disons le mot clairement : La Route est un roman de droite. On pense souvent à Houellebecq en lisant ces pages, en se disant que, chez ce dernier, la réaction contre la modernité passe par une ré-invention de l'écriture encore plus contemporaine que le monde qu'il décrit. McCarthy veut se raccrocher à la grande tradition rurale américaine, celle des Faulkner, des Steinbeck, mais s'y enferme désespérément. Du coup, on est un peu agacé au bout du compte par ces ficelles un peu faciles (les dialogues répétitifs, le comportement des héros face au monde). Même si le roman se lit avec une grande admiration pour le style, le fond devient trop poussiéreux pour qu'on adhère vraiment. McCarthy devrait faire attention : il vit en 2009 et il faut qu'il en tienne compte s'il ne veut pas devenir un vieil auteur américain.  (Gols 23/05/09)


9782846664271FSAlors là... Si maintenant on se met à lire le même livre exactement au même moment, je sais franchement plus quoi dire. On pourrait dire que l'ami Gols me coupe définitivement l'herbe sous le pied, herbe qui fait, justement, cruellement défaut dans cet ouvrage plein de cendres - du temps - et de poussière -de la route, of course. Lorsqu'on entame l'ouvrage et qu'on découvre ce père avec ce gamin et leur caddie errant dans ce monde de la désolation, on se demande bien comment le père Cormac McCarthy va bien pouvoir faire pour nous tenir en haleine sur 250 pages. Le bougre réussit pourtant bien à y parvenir sans avoir vraiment besoin de truffer sa narration de rebondissements. Nos deux hères croisent en tout et pour tout quelques personnes en haillons guère bravaches ou aperçoivent des hordes de méchants qu'ils tentent bon an mal an d'éviter. Certes, c'est manichéen en diable - un monde (moralement) dévasté dans sa plus simple expression - mais faut reconnaître qu'une véritable tension s'instaure tout au long de ces pages; dès que le chtit se met à trembler, on a dangereusement tendance à jeter un coup d'oeil en bas de la page pour voir si l'un des deux ne va point finir par se faire charcler bêtement. Du même coup, ce road-bookie reste tendu comme un élastique sur le point de mourir et cela uniquement par la grâce des mots du Cormac qu'il distille en de petits paragraphes tenus. Je comprends les réserves de mon compère notamment au niveau des dialogues ultra-minimalistes entre le père et le fils - cela fait son effet au départ mais devient un poil irritant à la longue. Je sais qu'il serait également de bon ton de citer dans la foulée une poignée d'écrivains ricains au style noueux, je n'ai pu m'empêcher pour ma part de penser à Ravage de Barjavel et je m'en excuse platement auprès de nos fidèles lecteurs pour cette digression référentielle; cela dit, par ce petit chemin de traverse (houlà, c'est du Cabrel, ça, je m'embourbe...), j'en arriverais presque au même constat que l'ami Gols sur un petit côté poussiéreux sur le fond : McCarthy pourrait semble-t-il enchaîner 3000 pages sur le même rythme comme s'il était finalement hypnotisé par son propre style et par cette facilité à nous faire vagabonder sans nous dévoiler grand-chose de sa vision contemporaine du monde (si ce n'est l'impression que, vers le gouffre, on s'y dirige tout droit...). En cherchant une image pour illustrer l'article, je découvre que l'adaptation cinématographique est déjà... bien en route (sortie prévue en octobre 2009 aux Etats-Unis) avec John Hillcoat aux manettes (The Proposition, western australien de très bonne tenue - on peut être optimiste, nan?) et Viggo Mortensen dans le rôle du pater... Cela s'annonce, vu la photo, méchamment grisâtre (il y a même un trailer, putain, on arrête plus le progrès : cela m'a l'air terriblement "survitaminé" quand même, passons...) et le fait est qu'après les frères Coen, le Cormac a le vent en poupe... Wait and See.  (Shang 23/05/09)   

road_cormac_fs_aug_03

Commentaires
G
Ravi d'avoir déclenché une envie de relecture d'un auteur qui (malgré la légère déception, pour ma part, vis-à-vis de celui-là) reste énorme. Peut-être devriez-vous plutôt (re)lire sa merveilleuse trilogie qui commence avec De Si Jolis Chevaux : là, c'est du vrai lourd.
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L
le livre est admirable<br /> <br /> j'ai peur pour l'adaptation, mais elle me tente quand même.<br /> <br /> Tiens je vais relire le livre.
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