Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
16 mai 2009

California Dreamin' (California Dreamin' (Nesfarsit)) (2007) de Cristian Nemescu

18764149

Voilà un film roumain complètement barré qui fait vraiment plaisir à voir. Nemescu (mort pendant le montage) prend son temps pour installer son histoire et ses personnages et finit par nous les rendre étrangement familiers. Cela est constamment nappé d'un humour pince-sans-rire assez jouissif, le Roumain étant assez caustique dans son genre. Même si, ici ou là, dans la confrontation entre Américains et Roumains, il n'hésite pas à surfer sur certains clichés (l'arrogance sérieuse des uns face au folklore bordélique des autres), le film est vraiment réjouissant et peut se lire comme une parabole de toute intervention américaine hors de ses bases...

18764152

Après un début un peu chaotique (on saute d'événements en 1944 à 1999, d'un cabinet du ministre à une petite gare de province roumaine), on comprend l'enjeu principal : un chef de gare, connu pour ses petits trafics dans le coin, a décidé de bloquer dans sa gare un convoi américain de l'Otan en route vers l'ex-Yougo (alors en plein conflit); l'intérêt? : il semble que ce soit uniquement pour faire chier même si peu à peu, à force de mini flashs-back, on comprend également sa rancune contre cette arrivée étrangère qui ravive de lointains souvenirs. On assiste rapidement à un choc frontal entre le Capitaine Jones (Armand Assante, la tronche américaine de l'emploi, le gros gueulard) et ce fameux Doiaru (Razvan Vasilescu - déjà vu entre autres dans l'excellent Niki et Flo de Pintilie -, la tronche à pas venir le réveiller le matin de bonne heure). Les deux hommes tentent de montrer à quel point ils sont dans leur droit (l'un est en mission spéciale, l'autre veut certains papiers de la douane) et ce petit incident qui se cantonne au départ à la gare va rapidement concerner tout le village : organisation d'une fête par le Maire pour faire découvrir les ressources du village, flirts intempestifs entre Marines et Roumaines dans la fleur de l'âge, conflit de génération entre Doiaru et sa fille, exacerbation des tensions entre les travailleurs d'une usine, le Maire et le personnage de Doiaru...

18869623

L'histoire part un peu dans tous les sens, faut reconnaître, mais il y a toujours plein de petits traits d'humanité et un humour grinçant qui rend cette ballade au milieu de nulle part relativement agréable. On croise un Elvis Presley de pacotille, un Dracula de carton-pâte, des jeunes filles prêtes à vendre leur âme pour parler anglais, de jeunes Marines qui embrassent tout ce qui tombe sous la main et un Capitaine qui fait de plus en plus la gueule devant l'entêtement du hiératique Doiaru. Les situations burlesques s'enquillent jusqu'à la pétarade finale, au départ des Américains, qui ont transformé ce village relativement paisible en guerre des tranchées. Au bout de 2h30, on a vraiment l'impression d'avoir fait partie de l'aventure et on ne peut s'empêcher d'avoir la banane en écoutant l'éternel refrain des Mamas and the Papas sur le générique. Prêt même à pousser la musique un peu plus fort pour atteindre les oreilles du Nemescu parti à 27 ans - putain, y'a po de justice. Le cinéma roumain recèle en tout cas encore plein d'excellentes surprises.   (Shang - 03/11/08)

18764150


J'avoue pour ma part une assez grosse déception devant ce film roumain, qui n'a en commun avec Pintilie que son origine et son acteur principal : on chercherait effectivement en vain la finesse politique de l'auteur de Trop Tard dans cette farce acerbe très soulignée et vraiment lourde. Pour parler de l'ingérence politique, du choc des nations et des désastres de l'omnipotence américaine dans les conflits, Nemescu pond un scénario qui manque énormément de subtilité. Tout est fabriqué à l'aide de lourds symboles scénaristiques, comme si on nous hurlait dans les oreilles chaque allégorie qui se cache derrière les évènements de la trame. California Dreamin' a une fâcheuse tendance à nous prendre pour des imbéciles incapables de décrypter un scénario complexe, et explique donc chaque plan et chaque idée.

39398986_p

D'autant que là où tout ça devient extrêmement discutable, c'est quand Nemescu utilise pour parler de la domination américaine les recettes esthétiques du cinéma américain. La mise en scène de California Dreamin' est pompée allègrement sur celles des séries américaines, avec cette omniprésence de la caméra portée et tremblante, technique que rien ne justifie ici. Même dans les scènes intimes, même dans les simples plans de raccord sur un paysage, le mot d'ordre adressé au cadreur semble être de bouger le plus possible pour donner l'impression d'une tension. Ca donne un exercice de style fatigant et inutile, et on regrette que Nemescu n'ait pas plutôt choisi le procédé inverse, un filmage froid et calme qui aurait combattu cette imagerie hollywoodienne qu'il condamne. Son film ressemble ainsi à beaucoup d'autres, notamment dans ces scènes de fête minable ou dans l'explosion finale, bien trop pleines de poses. Au niveau de la lumière et de la photo, c'est pareil : Nemescu filme son village roumain comme un bureau du FBI, filtres bleus, lumières surexposées et qui ne correspondent à aucune source. C'est d'autant plus idiot que le film joue beaucoup sur les clichés arriérés de la Roumanie, et s'amuse souvent avec les pannes de courant, les crasseux trottoirs et els paysages mornes. Pourquoi alors y coller cette photo électrique et futuriste ? Pour être sympa, on va dire que ça correspond aux fantasmes des habitants du village envers l'Amérique, mais je suis persuadé que c'est plutôt pour tenter de vendre le film à l'étranger et trouver une esthétique commune et mondialisée.

california_dreamin_26

C'est d'autant plus dommage que, comme le fait remarquer mon camarade, il y a un vrai charme dans les personnages, un côté romantique qui fonctionne bien, et une belle inspiration dans le choix des "tronches". La romance amoureuse est agréable, le film se suit sans problème et comporte son lot de rebondissements, et Nemescu dirige les nombreuses sous-trames avec un sens solide de la construction du récit. Ce qui manque : de la finesse, un regard original et personnel, et un peu plus de simplicité d'éxécution. C'est beaucoup.   (Gols - 16/05/09)

Commentaires
Derniers commentaires