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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 mai 2009

Kandagawa Wars (Kanda-gawa inran senso) de Kiyoshi Kurosawa - 1983

vlcsnap_768521Voilà du pointu, avec le premier long-métrage de Kiyoshi, objet résolument barré et qui laisse assez pantois. Notre KK, manifestement sous influence godardienne, se débat avec une belle énergie au milieu de la commande de ses producteurs : réaliser un film de cul. Très amusant de voir comment le réalisateur jongle avec les passages obligés du genre (ça baisouille (gentiment) au moindre prétexte, ça filme les jeunes filles à jupes par en-dessous, ça montre une certaine fascination pour les culottes féminines), tout en tentant de fabriquer un film de cinéphile. Visiblement les commanditaires ont trouvé que le film n'était pas assez érotique, et l'ont rangé dans un tiroir : ils exagèrent, le voyeur moyen en a pour son argent, mais il est vrai qu'ils ont dû être un peu désarçonnés par le style très personnel de Kurosawa.

vlcsnap_780490Car celui-ci ne se cache pas de vouloir faire un film "Nouvelle Vague française" : il y a une pincée de Une Femme est une femme, un soupçon de A Bout de souffle, une larme de La Chinoise, le tout cité sans pincettes, frontalement, comme une déclaration d'amour somme toute touchante au cinéma qu'il aime. En roue libre, le gars invente un scénario de peu d'intérêt (un duo de minettes aux moeurs faciles tente de sauver un étudiant qui habite en face de chez elles, et qui subit l'influence incestueuse de sa mère), mais l'habille d'une mise en scène très inventive. C'est hyper-maladroit, bancal comme c'est pas permis, ça part dans tous les sens, mais il y a souvent de fort jolis cadres-portraits sur des jeunes gens qui s'ennuient, clope au bec, légèrement décadrés et placés dans un appart bordélique. Belmondo aurait été à l'aise dans ces plans naturalistes et déstructurés qui tentent de "glamouriser" chaque petit geste, comme JLG le fit à ses débuts. De la Nouvelle Vague, Kurosawa retient aussi le filmage en extérieur, grâce notamment à deux magnifiques travellings qu'on sent improvisés et faits "à la main" ; il retient surtout une liberté totale de construction de son film, qui alterne burlesque et scènes de genre (polar, film d'aventures, film de boules) sans se soucier aucunement de la cohésion esthétique de son objet.

vlcsnap_802735On apprécie ce bidule improbable justement à cause de ça : on y voit un cinéaste débutant déclarer sa flamme à ses aînés et tenter les mêmes choses qu'eux sans maîtrise, comme un chien fou. Certaines idées audacieuses forcent le respect, comme ces filles qui roulent théâtralement dans un escalier, comme ce pêtage de plombs à base de feux d'artifices minables lors d'une scène d'orgie, comme ce générique final récité par Kurosawa (qui a vu le même truc dans Le Mépris sûrement, et qui le recopie avec enthousiasme). Il y a en plus quelques traces déjà du futur Kurosawa, notamment dans une belle scène de pipe où l'homme est à moitié enfoui dans un coin brumeux du mur, et se recouvre le tête d'un drap au moment de la jouissance : on y voit déjà en creux ces fantômes qui sortent des murs, et cette façon très froide de faire monter la tension. C'est plein de fantaisie et de joie de vivre, avec quand même un côté vénéneux (le final) et malpoli (ça grince sévèrement à chaque changement de plan) qui emporte le morceau. C'est souvent inregardable de maladresse, mais ça en devient justement émouvant, comme tous ces premiers films qu'on sent portés depuis longtemps et qui partent comme des fusées. Un de ces films impurs dont on apprécie simplement qu'ils aient pu exister...

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