Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
8 avril 2009

King Lear de Jean-Luc Godard - 1987

vlcsnap_115089"A picture shot in the back", c'est bien le bon mot pour qualifier cet objet sybillin qui vient effectivement d'un angle qu'on n'attendait pas. Je ne sais pas quel financier américain barjot a eu cette brillante idée de commander à JLG une adaptation du Roi Lear, mais il a pas dû être déçu du voyage : le sage suisse livre un film qui parle à peu près de tout sauf du Roi Lear, dans un exercice entre foutage de gueule total et gravité, entre gag vulgaire et poésie étrange. Pour la première fois peut-être dans son cinéma, c'est l'échec du projet qui permet à Godard de trouver le sujet de son film : ne parvenant pas à mettre le doigt sur la façon de traiter la commande, il décide de filmer les tribulations du créateur à la recherche du Roi Lear. Son film tourne surtout autour des relations enre le roi et Cordelia, et notamment de cette réplique de la jeune fille à la demande d'amour de son père : "Nothing" (que Godard écrit judicieusement "No-Thing"). Il en profite pour parler de quelques-uns de ses thèmes préférés, l'inceste, le choc des générations, la mort de l'art et l'opacité des femmes, nous balance quelques citations pointues et triture ses sons : on est bien chez Godard.

vlcsnap_160577Bon, je vous dis ce que j'ai compris : le film se passe après Tchernobyl, évènement qui, visiblement pour JLG, marque la fin de l'art (tout comme d'autres affirmèrent que le cinéma était mort avec Auschwitz). Un descendant de Shakespeare (Peter Sellars) cherche désespérément des bribes de culture et des restes de son grand-père autour d'un lac, et croise différents personnages : un maffieux (Norman Mailer), un couple gracieux (Delpy et Carax), Lear lui-même (Burgess Meredith) accompagné de sa fille muette, un sorcier pêteur (Godard himself), un dernier représentant de l'art (Woody Allen), une fée et son cheval blanc, quelques tableaux Renaissance... Comme toujours, c'est la fin d'un monde que filme JLG, dans une succession de vignettes poético-cérébrales qui mettent en valeur la perte et l'absence. Si les nombreuses voix off déclinent toute une partition de la beauté perdue, les images viennent souvent démentir ces bribes de poésie : cradasses et souvent triviales, sous-exposées et rayées de sons criards (un corbeau notamment, horrible), elles signent l'échec-même du film et renvoient le spectateur dans les cordes. Shakespeare junior traverse le monde sans rien voir de ce qui l'entoure, sans comprendre ce qu'il voit, occupé uniquement par cette recherche de la beauté qui ne concerne que lui.

vlcsnap_159780King Lear est très brouillon, ce qui ne serait pas trop grave si l'on n'avait l'impression que cette fois-ci Godard est bien peu concerné par ce qu'il filme. Tout ça prend trop souvent la forme d'un gag un peu supérieur à son public, genre "Vous voulez du Godard populaire ? Allez vous faire foutre". On est vite paumé par les élucubrations faussement profondes de ce film, qui en plus n'est vraiment pas réussi formellement. A quelques rares exceptions près, tout ça est assez laid, pas très tenu. Le seul véritable intérêt de King Lear, finalement, c'est qu'il met en place pour la première fois tous les motifs du futur cinéma de Godard : le lac, les inscriptions qui scandent le film, les demoiselles fermées, les apparitions de l'art "noble" (la peinture, les grands aînés cinéastes) au milieu de la trivialité, l'effarement face aux femmes (qui trouvera son point d'orgue dans Je vous salue Marie, dont ce film est comme un premier jet), le mépris du commerce, et l'intérêt pour la recherche plus que pour le résultat concret. Une étape donc, intéressante historiquement disons, mais qui nous laisse pour une fois franchement sur la touche.

vlcsnap_224298

God-Art, le culte : clique
Tout sur Woody sans oser le demander : clique

Commentaires
Derniers commentaires