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20 mars 2009

Seul sur l'Océan Pacifique (Taiheiyo hitori-botchi) (1963) de Kon Ichikawa

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Belle leçon de courage et d'adversité que ce film du père Ichikawa. Bravant la loi japonaise qui interdisait, dans les années 60, à toute embarcation de quitter l'île, bravant les mises en garde de sa famille, un jeune Nippon, sans passeport et sans pratiquement plus un sou d'économie, décide de traverser le Pacifique jusqu'à San Francisco sur son yacht de 29 cm (je vous l'ai déjà dit, je suis pas un spécialiste). Bien décidé à laisser derrière lui les embouteillages, les usines qui commencent à polluer tout leur soûl et rompant avec l'état d'esprit moutonnier de son île, il entreprend en solitaire ce trip de folaille. Il se donne entre deux et quatre mois, ne semble guère savoir ce qui l'attend, vu son manque d'expérience sur sa frêle embarcation, et ce challenge à lui-même a toutes les allures au départ d'une bouteille jetée à la mer. Advienne que pourra, les voyages forment la jeunesse, va, mon fils, où le vent t'amène - vous en avez d'autres ?

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Justement de vent, au départ, il n'y a point et notre homme passe les trente premières heures de son périple à quelques encablures du rivage. Il souhaite de l'action, elle ne va pas tarder à advenir, les premiers coups de zeff se transformant en tempêtes, puis après la première accalmie, il va faire sa première expérience d'un cyclone en pleine mer... On se demande comment Ichikawa va tenir sur la longueur son fil narratif mais il y parvient haut-la-main en intercalant notamment quelques flashs-back. Ces derniers illustrent les divers préparatifs de notre gars ainsi que les nombreuses confrontations avec ses parents. Malgré tout notre gars tient, déjà sur terre, bien le cap, fait front pour aller jusqu'au bout de son obsession. Il est à noter qu'avant de retrouver notre héros seul en mer, petit point isolé au milieu de l'océan, Ichikawa utilise, lors des séquences sur terre, son format en cinémascope pour caler la plupart de ses personnages à un coin de l'écran. Comme si ces derniers souffraient d'exiguïté, dans tous les sens du terme, mais finissaient par accepter leur sort. Notre futur navigateur, qui semble n'avoir à terre qu'un véritable ami et encore - la seule personne, dont il est finalement le plus proche, c'est... son chien, enfermé du matin au soir derrière des grilles (cela crée des liens, forcément) - refuse d'accepter cette vie tracée d'avance et largue les amarres avec une immense bravoure.

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Il est clair que cela est loin d'être une partie de plaisir : les dialogues entre lui et lui-même (l'optimiste face au pessimiste) frôlent parfois la schizophrénie, les coups de tabac qui mettent en pièces son yacht risquent constamment d'être fatals, et entre les coups de soleil et les absences de vent, la bouffe limite et la solitude qui devient chaque jour plus difficile, on a souvent peur que notre homme "plonge" dans le délire (belle séquence fantasmée où il imagine que, s'il ne cesse de plonger dans la mer, cela fera avancer son bateau plus vite) mais il parvient tout le temps à s'en relever. Il fait preuve constamment d'une réelle pugnacité et même lorsqu'il croise un immense paquebot américain, il parvient à résister, par pure fierté, à demander quelque aide que ce soit. On découvre également que le Nippon n'hésite pas à exprimer ouvertement ses émotions loin du regard de la société - il se rend compte qu'une bonne crise de larmes, ça peut jamais faire de mal - mais aussi que la pudeur physique demeure souvent plus fort que tout : même en pleine mer, le Nippon n'ose jamais quitter son slip!

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Ichikawa varie avec un vrai sens du rythme ses angles de prise de vue, parvenant à traduire aussi bien les grands moments de panique avec une caméra qui filme pratiquement "en corps à corps", que les grands instants de calme et de sérénité avec une caméra qui laisse les cieux s'inviter dans le cadre. Naviguant de petits plaisirs (une bonne conserve bien chaude) en période de doutes, notre homme trace sa route sans ne rien devoir à personne en attendant de retrouver l'agitation en terre étrangère... Bien beau film ma foi, une nouvelle fois, d'Ichikawa, qui parvient, en creux, à faire le portrait d'une société nipponne qui ne laisse que peu de place à la liberté de l'individu et à la réalisation de ses rêves, tout en faisant le portrait plein d'humanité d'un homme, qui n'a à priori rien d'exceptionnel, mais qui a simplement osé suivre son instinct et réalisé ses désirs. Belle réussite.

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