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13 mars 2009

Les Lois de l'Hospitalité (Our Hospitality) de Buster Keaton & John G. Blystone - 1923

Le terme de virtuosité semble un peu faible pour qualifier ce genre de productions keatoniennes : le spectacle est bluffant, aussi bien en termes de moyens techniques qu'en termes de gags ou d'acrobatie. On connaît le sens du risque de Buster, mais là, il faut reconnaître que dans la dernière bobine, ça frôle l'inconscience. Le corps du gars est secoué dans tous les sens, défie toutes les lois de l'apesanteur et joue avec le danger pour le simple plaisir du spectacle, c'est époustouflant.

bkshakeMais avant ces acrobaties insensées, Buster prouve une nouvelle fois qu'il est aussi bon dans le simple comique de situations ou dans le mini-gag. Our Hospitality est même un de ses films les plus "complets", qui fait se succéder toutes les inspirations du cinéaste. Le très beau prologue montre son goût inédit pour le mélodrame, dans une savante construction de tableaux vraiment efficaces : deux familles séparées par une haine atavique s'entretuent depuis des siècles, le point d'orgue servant de début au film. On assiste à un duel entre deux hommes sous un orage tonitruant, et Keaton utilise merveilleusement son ambiance macabre, jouant avec les lumières des éclairs, montant subtilement ses plans pour faire monter la tension (la balance extérieur-pluie/intérieur-peur). On ne l'attendait pas dans cette veine, et il y est excellent.

Ensuite, on a l'archétype de ce que sait faire Buster quand il en a lebktrains moyens. Une très longue séquence en décors naturels, où on suit le voyage épique d'un ancêtre du train (on est en 1830). Annonçant clairement The General, cette succession de sketches hilarants est une surenchère d'inventivité : un âne qui bloque la voie, obligeant à modifier le parcours des rails, une locomotive qui se fait dépasser par ses wagons, un vieux qui bombarde le convoi avec des pierres pour récupérer le bois qu'on lui balance en riposte, les 1000 et unes circonvolutions du parcours : c'est un festival, et un hommage poilant aux pionniers du rail (ici, en gros, une bande d'incapables). C'est d'autant plus étonnant que cette partie, qui fait plus d'un tiers du film, est complètement déconnectée de la trame annoncée par le prologue, comme une longue parenthèse purement visuelle.

On revient ensuite à cette histoire de haine entre voisins, avec CRI_113329cette fois un comique de situation pur : le principe, compliqué, est que Buster n'est à l'abri de la haine de ses voisins que lorsqu'il est dans la maison même de ceux-ci (selon une loi d'honneur qui interdit de tuer un invité). S'il sort de la baraque, on lui tire dessus comme un lapin. Sans complexe, le gars squatte allègrement ce nid d'assassins, en profitant même pour lutiner avec la fille de la famille. Ses ruses pour rester coûte que coûte à l'intérieur sont là aussi excellentes, et Keaton parvient haut la main à renouveler inlassablement cette situation improbable. Il joue sur son personnage habituel de victime flirtant avec le feu, avec toujours cette fausse inexpressivité qui rend d'autant plus tordantes ses prises de risque.

Enfin, on arrive au gros morcbkourheau, la désormais attendue course-poursuite finale. Là, c'est tout simplement énorme. Keaton pendu le long d'une falaise vertigineuse, Keaton aveuglé par une jupe (!) sur un cheval au grand-galop, Keaton plongeant dans un lac 20 mètres plus bas, Keaton attaché par une corde à son poursuivant et traîné par un train... le corps de l'acteur est trituré dans tous les sens, malmené comme c'est pas permis. Quand on sait que tout ça est fait sans trucages, on mesure l'implication de l'acteur, et c'est époustouflant. Jusqu'à cette acrobatie finale extraordinaire : il attrappe sa donzelle en train de tomber dans une immense cascade comme un trapéziste, attaché par la taille à une simple corde (on a mal pour lui). Rarement Keaton avait atteint à une telle virtuosité physique, et on regarde ça bouche bée, comme au cirque. A l'intérieur de cet immense dispositif naturel, il parvient même à glisser quelques minuscules gags hyper-inventifs et rythmés au millimètre (parfois très simple : il s'accroche à une branche, qui craque et le renvoie dans la flotte) et à rester dans sa trame avec une rigueur épatante. C'est du pur génie, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise.

Commentaires
B
"il parvient même à glisser quelques minuscules gags hyper-inventifs et rythmés au millimètre (parfois très simple : il s'accroche à une branche, qui craque et le renvoie dans la flotte) " En fait, ce n'est pas un gag, il a failli se noyer dans cette scène !
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