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12 mars 2009

La souriante Madame Beudet (1923) de Germaine Dulac

souriante_madame_beudet

Je sentais que le titre valait des points. Un titre tout de même bien trompeur vu que la pauvre Madame Beudet tire la tronche du matin au soir, mais quand on fait la connaissance de son mari on compatit. On est dans une petite ville anonyme et le moins qu'on puisse dire c'est que la critique de ces moeurs et de ces personnages provinciaux est digne d'un roman de Flaubert. Madame Beudet s'emmerde à mourir et ne parvient à esquisser un soupçon de sourire que lorsqu'elle joue du piano, feuillette un magazine (aaah!!! une bagnole pour s'évader, aaah! un joueur de tennis pour l'accoster...) et se laisse aller à ses rêves. Faut dire que son mari en tient une sacrée couche, sa meilleure blague étant, dès qu'il s'énerve - c'est à dire douze fois par jour -, de se mettre un pistolet sur la tempe pour faire le mariole pseudo suicidaire... Mieux, encore, quand il évoque sa femme qui lui tape sur les nerfs avec son collègue, il se saisit d'une poupée, fait mine de lui foutre une grosse baffe et se retrouve comme un gros lourd avec le corps dans une main et la tête dans l'autre, une tête qu'il fourre immédiatement dans sa poche (on voit bien le symbole, moi je dis). La Beudet, alors que son mari est parti au spectacle (elle ne l'a point accompagné pour aller voir Faust, elle doit avoir peur de reconnaître son mari dans le diable... - faut bien que je trouve une raison, nan?), fantasme sur un homme qui sortirait d'un miroir, mais cette image ne tarde point par être remplacée par image_illustrationle visage de son mari qu'elle met en scène (au ralenti, en accéléré, en gros plan, grimaçant, le visage déformé) sous des angles guère avantageux. Bref, on comprend bien qu'il lui pourrit la vie et elle finit par mettre une bastos dans le barillet du pistolet avant d'aller dormir... Prise de remord le lendemain, le destin semble l'empêcher de reprendre la balle. Lorsque son mari se saisit finalement du flingue lors de l'une de ses énièmes crises (sa femme est dépensière - c'est une femme quoi - oh je vous en prie, ne me jetez pas la pierre), le suspens est à son comble... Mais la vie est tellement mortelle dans ces petites villes de province que même la tragédie semble se désintéresser de ces personnages et le petit "théâtre de guignols", le train-train quotidien, reprend vite ses droits. Il s'agit d'un film qui fait date pour le féminisme (la Germaine, ardente porte-drapeau de la cause) mais il ne faudrait point oublier pour autant toutes les qualités esthétiques de cette oeuvre. Après une pluie d'intertitres au départ, place aux images : chaque plan semble être pensé - la mise en relief des personnage notamment (au centre, par des jeux de lumières ou sur un côté, l'autre moitié de l'image étant obturée) -, chaque gros plan est pesé (sur un objet, un geste, un visage, un regard) et, à l'aide d'un montage au taquet, toutes les pensées et les rêveries des personnages sont illustrées en un tour de main. Le film ne dure que 38 minutes mais il s'agit d'un concentré d'idées, à l'image de la Beudet tourmentée dans son lit en arrière plan, son mari avachi dans un fauteuil au premier et en surimpression le mouvement de balancier d'une pendule qui termine sa course à droite de l'écran sur la tronche du Beudet : on saisit à la fois la folie lancinante de cette femme dont chaque seconde auprès de cet homme est une torture et la volonté qu'un coup du sort s'abatte sur la tronche de son homme - certes, elle est prête à forcer, un poil, la main du destin. C'est farci de petites trouvailles visuelles et bien plus riche que ce billet. De quoi finalement vous filer le sourire... Définitivement impressionnant et impressionniste aussi.

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