Martyrs de Pascal Laugier - 2008

Martyrs apporte un peu d'espoir quant à la faculté de trouver en France quelques films d'horreur valables. Un peu d'espoir seulement, attention : ça reste vraiment au stade du mollement prometteur. Mais quand même : Laugier réalise un film brutal, en colère, assez efficace et intéressant dans sa construction.

Franchement, c'est assez surprenant. Pour une fois, les nombreuses invraissemblances du récit sont oubliées devant la puissance visuelle du film. D'accord, on ne croit jamais à cette histoire de séquestration, d'autant qu'on entrevoit environ 92 façons pour l'héroïne de s'échapper de cette maison infernale. Mais on s'en fout : on reste suspendu au déroulement d'un scénario qui prend très souvent à revers nos attentes de gros consommateur de films de ce type, et on oublie le grand n'importe quoi des détails de la trame. Beau début notamment : une famille banale, dont on commence même à nous laisser deviner une biographie (la fille est championne de natation) déjeune tranquillement ; on sonne à la porte ; en deux minutes environ, cette famille dont on pensait suivre les aventures se fait dézinguer sans appel. Laugier reste durant tout son film sur cette première tentative : à chaque fois que le scénario semble s'ouvrir sur une piste, il la désamorce, la plupart du temps dans un bain de sang bien sûr. Les détails de la trame sont comme fermés sur eux-mêmes, et du coup on est pas mal malmenés dans cette histoire.

Bien sûr, ça donne aussi un certain morcellement au film : on a un peu l'impression de plusieurs courts-métrages mis bout à bout, tant Laugier coupe petit à petit toutes les pistes attendues. Mais ça donne aussi quelques moments vraiment intenses, notamment sur le dernier tiers où la brutalité se renforce en même temps qu'une certaine poésie qu'on n'attendait pas. Franchement, il fallait oser montrer un homme défoncer à coups de poing le visage d'une jeune fille sur cette musique douce. Le film est vraiment choquant, non pas tant à cause de ce qu'on voit concrètement (après tout, c'est du gore, on va pas se cacher les yeux) qu'à cause de la façon dont Laugier nous le montre.

Bien dommage que Laugier s'arrête à un brouillon de ce qu'aurait pu être Martyrs : l'ensemble reste vraiment poussif, surtout le fond même du film, mélange de mystique de CM2 et de regards douteux sur le corps de la femme. L'interprétation est absolument désastreuse (y a-t-il un contrat qui oblige les réalisateurs de films d'horreur à engager les pires acteurs du moment ?), et les scènes non-gores sont nulles. Mais si Laugier reste fidèle à ses idées (revenir à une vraie brutalité du genre tout en gardant ce ton original), on peut espérer voir bientôt un jour un film d'horreur français honnête.