Slumdog Millionaire de Danny Boyle - 2009
On aurait pu espérer que le tâcheron Danny Boyle modèrerait son "style" à l'occasion de ce passage vers un autre pays (l'Inde), et qu'il se permettrait moins de faire son gros malin vu le changement de registre (on est dans un mélodrame qui s'appuie sur l'histoire récente de la misère dans les bidonvilles de Bombay, pas de quoi s'éclater). Naïfs que nous étions : bien loin de remettre en question son immonde goût pour la mise en scène clicheteuse, Slumdog Millionaire est presque au contraire une surenchère d'effets gratuits, qui feraient presque passer les autres films de Boyle pour une ascèse.
Qu'il filme en Inde ou ailleurs, Boyle n'en a rien à foutre : ce qu'il veut, c'est rentabiliser ses beaux filtres jaunes et rouges tout neufs, essayer les boutons de sa nouvelle caméra, et draguer quelques gorettes en se la pêtant sévère. Le film est un éternel moment boursouflé de suffisance formelle, où aucun plan n'est sincère, où chaque séquence tente d'en rajouter un peu plus dans un feu d'artifice totalement injustifié. A quoi servent ces plans tordus, ces effets sonores tonitruants, ce grain de photo cradouille, cette mise en scène hystérique qui ne sait jamais s'arrêter et filmer simplement ? On ne le saura pas, le seul but ultime étant de nous en foutre plein les mirettes pour nous faire croire à un style. On trouvera plus de sincérité dans un clip de Madonna que dans ce film de malin sans cerveau : à force de crâner, Boyle finit par devenir douteux, se servant de la misère de son petit héros pour nous resservir sa soupe pubesque, se moquant comme de l'an 40 de l'univers qu'il décrit. Son cinéma est l'équivalent de la malbouffe : mondialisé, tout-puissant et dangereusement efficace (les gens adorent le film, visiblement). Le fait qu'il ait fait parler ses acteurs en anglais (mais avec l'accent indien) en dit long sur l'intérêt qu'il porte au pays qu'il filme.
A ce compte-là, peu importe ce que Slumdog Millionaire raconte, me direz-vous. Je confirme, d'autant qu'il raconte à peu près rien, une histoire cousue de fil blanc parfaitement somnifère. On sait dès les premières secondes comment tout ça va évoluer, et on attend la fin en essayant de calmer la migraine dûe aux images en rafale qui nous arrivent dans la tronche. C'est bien entendu mal joué, mal écrit, mal pensé, sans aucune surprise et roublard comme pas possible (la fine allusion au style Bollywood sur le générique de fin est un comble de culot, comme si, une fois le ravage fait, Boyle laissait ses comédiens faire joujou). Du cinéma qui ne se contente pas d'être inregardable : nauséabond mais fier de lui. (Gols 16/02/09)
On n'est pas toujours d'accord avec l'ami Gols sur les films qu'on aime, on se rejoint en tout cas totalement sur ceux qu'on déteste... Slumdaube Millionnaire donc : le rêve américain (toi aussi, pauvre, dans ton pays le succès est possible, grâce à ces jeux exportés d'une intelligence rare) transposé en Inde et réalisé par un Anglais, c'est le début d'un cinéma néo-mondialiste tout aussi pervers que l'appellation le laisse entendre. Boyle parvient à donner des couleurs chatoyantes aux monceaux d'ordures, à rendre même l'odeur de la merde drôle... Quand il tente le moindre clin d'oeil cinématographique (le grand frère mafieux qui se prend pour Scarface, le petit frère qui lorgne une danseuse par un trou dans un mur - ou comment massacrer la plus belle scène d'Il était une fois en Amérique), c'est toujours poussif, quand il balance de la musique (pauvre M.I.A.), c'est automatiquement pour nous servir un clip MTV. Sans souligner à nouveau tous les défauts que cite Gols, il faut reconnaître que le scénario, qui tend à chaque fois d'expliquer comment notre gars est capable de répondre à chaque question (un ordre qui suit celui de sa vie, cool) est d'une débilité profonde - l'Empirisme peut prévaloir sur l'Education, on doit pas vivre avec Boyle sur la même planète... C'est grosso-modo comment faire croire que la culture MacDo serait une forme de culture tout aussi digne. Jean-Pierre Foucault s'est fait pousser la barbe mais son air dégoulinant parvient toujours à se couler parfaitement dans ce film qui suinte par toutes les pores. Danny Boyle prend, en plus, son spectateur pour le dernier des demeurés en lui imposant des flash-back pour rappeler des trucs qu'il a vus à peine 5 minutes ou 30 plus tôt (la lettre B dans la glace, l'histoire des trois mousquetaires)... C'est sûrement pour ceux qui partiraient pisser au milieu du film, ou qui zapperaient en le regardant à la télé, voire qui s'endormiraient. Ou bien alors qui sont vraiment trop cons et ce serait vraiment dommage qu'ils passent à côté des subtilités de la trame. C'est consternant mais cela donne au moins envie de revoir, dans la foulée, Salaam Bombay, histoire de continuer à croire encore au cinéma... (Shang 04/03/09)