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24 février 2009

Queen Kelly (1929) d'Eric von Stroheim

Un petit régal que ce film de Stroheim même s'il n'a pu tourner qu'un tiers de son film (Faut dire qu'il a l'air dépensier le bougre). Il y a tout de même suffisamment de scènes de bravoure pour faire frémir, un petit côté olé olé de bon aloi, et une musique magnifique (en tout cas sur ma version) qui nous fait oublier les petits collages photos de temps à autre ou le final lapidaire, résumé en quelques cartons - les intertitres sont sinon relativement rares mais diablement efficaces (tout comme dans Foolish Wives où quelques mots entre tirets décrivaient, de façon joliment poétique, l'atmosphère).

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La Reine Régina V est une tyrante affublée d'une perruque blonde hideuse, spécialisée dans le lancer de chat (pauvre gros minou blanc qui par deux fois vole en coulisses) et amoureuse du jeune et beau Prince Wolfmar. Seulement ce dernier est un gros fêtard que l'on retrouve au petit matin emmenant à 126 à l'heure sur son cheval une charrette pleine de gonzesses hiltonesques; s'il va plus vite que son vis-à-vis l'une des poules lui promet de lui offrir sa nuisette - sa camarade s'esclaffe et lui fait remarquer que, c'est impossible car de nuisette, elle n'en a point. Le ton est à la déconnade paillarde et notre Prince de s'affaler complètement bourré aux portes du palais sous les yeux ébahis de la Reine. Elle le retrouve dans ses appartements et ils se chamaillent comme chien et chat sur le lit, tout comme d'ailleurs leur chien et chatte respectives - ça m'a fait marrer alors qu'il n'y a pas forcément de quoi d'ailleurs. Comme notre Prince résiste à ses avances, elle l'envoie faire des exercices militaires en plein cagnard à la cambrousse. Mauvaise idée car le Prince y croise une ribambelle de jeunes filles en fleur issues d'un couvent (ce cortège tout vêtu de blanc dans ce petit chemin de campagne est d'une photogénie terrible). Il croise le regard de Gloria Swanson, alors dans toute sa splendeur, elle sourit mais, lui aussi, avec toute sa troupe : la culotte de la pauvrette gît à ses chevilles (bon attention, c'est la culotte de ma grand-mère - vous voyez un string?, ben l'inverse... mais en soie tout de même). La chtite est furax, lui jette la culotte à la tête (c'est du lourd), une culotte qu'il lui rendra volontiers quelques mètres plus loin : le premier coup de foudre cinématographique par échange de culotte est né (et c'est peut-être le dernier).

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La jeune fille, une fois de retour au couvent, est punie mais la prière qu'elle adresse tendrement à Dieu, derrière un rideau de bougies qui gouttent comme s'il s'agissait des larmes de son corps, a la beauté d'une image pieuse... Pendant ce temps-là, dans son palais plus grand que l'aéroport de Kuala Lumpur, la reine a décidé devant une tablée de la longueur d'une rame de métro d'annoncer son mariage avec le Prince qui fait po le malin. Mais l'homme est têtu, se rend le soir même au couvent, déclenche un incendie (de la "fumée sans feu" pour être précis) pour provoquer la panique et enlève sa douce alors que les jeunes filles courent, paniquées, en petite tenue dans le couvent - une séquence qui devrait réjouir tout bon catholique. Il la ramène à la casa, la fait boire, la déshabille à moitié, leurs jeux de sourcils pour se charmer autour de cette petite table romantique est d'anthologie. On est dans du grand romantisme avec baiser sur la pointe des pieds (le gros plan sur les pieds de Gloria est magique) et scène au balcon au clair de lune, une Lune parfaitement découpée dans du papier Canson. Mais la Reine veille, les surprend et, en pleine furie, chasse la bougresse du palais à coups de fouet (travelling arrière sur elle, travelling avant sur Gloria, travelling latéral sur les deux, popopo, c'est du grand cinoche). Les gardes, dont l'un ressemble étrangement à Saddam Hussein -vous pourrez vérifier -, se marrent comme des pendus, l'intertitre hurle "MINE" pour bien signer que le Prince appartient à la Reine. La bougresse se jette à l'eau, on la repêche, on a à peine eu le temps de souffler.

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Comme le dit si joliment le Prince : "Parfois toute une vie se vit en une journée" mais malheureusement pour lui, Gloria va être envoyée à Dar-el-Salam où l'une de ses tantes se meure... Elle fera la connaissance d'un des pires méchants du cinéma, un type qui se déplace avec des béquilles d'au moins deux mètres, le visage rempli de cicatrices et d'un rictus horrible - patibulaire au possible, c'est le mot. Auprès du lit de mort de sa tante (qui veut assurer l'avenir de Gloria en la liant avec un homme riche), on célèbre son mariage forcé avec ce monstre et a lieu le "oui" le plus long à venir de toute l'histoire du mariage et du cinéma - l'image du prêtre se confond dans l'esprit de Gloria avec celui du Prince, von Stroheim nous livre des images emplies de trouble, de doute et d'horreur absolument fascinantes... Malheureusement, c'est ce qu'il nous reste au niveau des images tournées, la suite de l'histoire dans un bordel de Dar-el-Salam paraissait pourtant assez croustillante.

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Economie de dialogues, décors somptueux du palais, personnages marquants (la palme au méchant qui va hanter ma nuit), poésie campagnarde, moeurs légères, plans de folailles, scènes d'action emballantes, même si Stroheim n'a pas pu finir son oeuvre, elle demeure tout simplement magistrale. Il demeure - même si tout le taff s'est fait plus tard - un vrai sens du rythme dans le découpage des scènes, les cadres sont aux petits oignons et on finit par regretter ce charme indéniable des -grands- films muets, bouffés juste après par le parlant. Ca fait du bien un chtit coup de nostalgie cinéphile parfois.    

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