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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
28 février 2013

Colonel Blimp (The Life and Death of Colonel Blimp) (1943) de Michael Powell et Emeric Pressburger

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On pourrait presque parler d'un Jules et Jim à la sauce anglaise en évoquant ce colonel Blimp du duo magique Powell/Pressburger. Il est en effet question d'amitié entre un Anglais et un Allemand et ce malgré les soubresauts de l'histoire (de 1902 à 1943, soit de la guerre des Boers jusqu'à la seconde guerre mondiale), mais aussi d'une histoire d'amour pour la même femme - ou plus précisément pour un même type féminin (Deborah Kerr, impériale, jouant pas moins de trois rôles dans le film). La comparaison s'arrête là car les P./P., toujours dans leur style flamboyant, mettent également l'accent, entre autres, sur un certain sens de l'honneur qui tend à disparaître alors que cette guerre totale contre le nazisme est engagée (que le film date de 1943 est assez incroyable en soit quand on y songe) et sur le passage du temps, de la fougue impétueuse de la jeunesse à une certaine sagesse de la vieillesse - une sagesse qui ne convient plus, d'ailleurs, forcément, à l'air du temps, celui d'une époque forcément très particulière.

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Racontée sous forme de flashs-back, l'histoire couvre donc toute la première partie du XXème siècle d'une guerre l'autre. On découvre après une longue séquence d'ouverture pétaradante, ce ventripotent Général Candy (impressionnant Roger Livesey qui change superbement "d'allure" au cours du film) qui lors d'un exercice militaire qu'il organise lui-même se fait surprendre dans un sauna. Un jeune officier a décidé d'avancer l'heure prévue de l'attaque, lors de cette simulation, et fait prisonnier ce vieux Général véritablement outré par de tels procédés. Alors qu'il prend, littéralement presque, une douche écossaise avec ce soldat qui se moque de son bide et le jette à l'eau, il se fait un devoir de rappeler à ce dernier ses faits d'arme du passé... Bon je vais point vous faire un résumé des quelque 2h45 de ce film, sachez juste que notre ami Candy se rendra à Berlin et provoquera un duel (superbe morceau de bravoure que la mise en place ultra cérémonieuse de ce duel avec la caméra qui s'élève majestueusement dans les airs alors même que le combat commence enfin - comme si finalement l'essentiel était ailleurs, comme si P./P. détournaient pudiquement la caméra sachant que l'héroïsme, au cinéma, n'est qu'une piètre mise en scène - belle maquette d'ailleurs du lieu du combat dans la foulée). Blessé, Candy profitera de son séjour à l'hôpital pour sympathiser avec son ennemi allemand d'un jour et se rapprocher de son amie rouquine qu'il a rencontrée à Berlin... qui finira, finalement, dans les bras de l'Allemand, plus entreprenant. Il n'aura de cesse toute sa vie de courir après ce "modèle" (étonnante séquence, diaboliquement elliptique et ultra efficace, où l'on voit les trophées d'animaux venant des quatre coins du globe qui s'étalent sur son mur au fil des années). Il finira par le croiser, dans un couvent, à la veille de la fin de la Première Guerre Mondiale alors qu'il est sur le front français. Vingt ans passeront, nos deux hommes perdront leur femme et se retrouveront sur le sol anglais alors même que notre Allemand fuit le régime nazi; l'aide de camp du général Candy ressemble comme deux gouttes d'eau à leur ancien amour, normal, c'est toujours Deborah Kerr.

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Il s'agit d'ailleurs à ce propos d'une sublime idée : on assiste au vieillissement physique de ces deux hommes alors que cette femme reste finalement exactement la même - sur 40 ans - à travers ces trois rôles différents. Comme une image ineffaçable de cette femme idéale - de cet idéal féminin même - qui a hanté leur vie. Néanmoins, le film se concentre en grande partie sur l'évolution de cette amitié faite parfois de rendez-vous manqués (lorsque l'Allemand est fait prisonnier au cours de la première guerre mondiale et qu'il ne daigne, dans un premier temps tout du moins, parler avec cet officier anglais). Il lui faudra du temps pour guérir de cette blessure faite à sa fierté et revenir à son ami après la prise de pouvoir des nazis (bien qu'il s'agisse, forcément, d'un "film de propagande", c'est tout à la gloire de P./P. de ne pas en faire des tonnes - le film sera d'ailleurs interdit au départ). En ce qui concerne ce personnage de Candy, finalement totalement dépassé, vers la fin de sa vie, par les événements, par l'évolution des codes de l'honneur, les dernières images le montrant à la fois empli d'une certaine tristesse nostalgique mais fier de rester fidèle à lui-même demeurent particulièrement touchantes. On a presque l'impression d'assister au bilan de toute une vie que P./P. nous a fait traverser finalement à la vitesse de l'éclair (ou de la flèche dans cette production des "Archers") en quelques grandes séquences particulièrement judicieuses. La belle épopée d'un homme qui passe la main, d'une amitié, avec un léger parfum féminin qui plane éternellement sur l'ensemble. Parfait pour un dimanche aprème de grisaille.   (Shang - 15/02/09)             

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Les enfants, je viens de me taper la chose en version restaurée sur grand écran, permettez-moi donc d'être encore plus dithyrambique que mon camarade de classe et de hurler au pur chef-d'oeuvre. Je passerai personnellement sur le premier quart d'heure qui, avec son côté farcesque hystérique, m'a fait très peur ; mais alors, dès que le flash-back s'amorce, avec cette façon supra-élégante de faire entrer le passé dans le présent sans coupe (un gars se bat dans un bassin, il plonge sous l'eau, panoramique vers l'autre bout du bassin et le même homme, plus jeune de 40 ans, sort de l'eau), on est dans une constante surenchère de beauté et de finesse, de technicolor et de sensibilité. Les mouvements de caméra, surprenants, grâcieux à se damner, font passer comme d'un rien des scènes qui pourraient être, chez n'importe qui d'autre, des tunnels insupportables : quand Powell et Pressburger filment un dialogue, c'est aussi passionnant qu'un film d'action, ça fuse, ça galope, le montage épouse les infimes ressorts de la conversation pour la doper et la rendre passionnante. Pas souvenir d'un tel génie dans ce genre depuis les grands films lyriques de Visconti, c'est dire.

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De toute façon les P./P. sont strictement toujours à la bonne place, qu'il s'agisse de laisser filer la pellicule pour mettre à jour une minuscule émotion sur le visage des acteurs (extraordinaire casting, d'ailleurs) ou de doper les scènes spectaculaires par de voluptueux et surprenants mouvements de caméra (quelle science des lieux, quelle façon sublime de filmer des "territoires" ! Le travelling qui embrasse la salle de bal dans son ensemble m'a scié, tant chaque micro-détail est à sa place, tant le plus petit figurant là-bas au fond est précisément dirigé, tant l'atmosphère est prenante), de ménager des ellipses (le film court sur 40 ans, et passe comme un souffle) ou de mettre en valeur les émotions. Les couleurs, qui ajoutent à la magnifique artificialité glamour de l'esthétique d'ensemble, les costumes, toujours choisis pour leurs teintes et leur rendu d'ensemble, la musique, qui va de javas en jazz en passant par l'opérette et le mélodrame, tout est d'une maîtrise absolue, au service de cette seule et magnifique idée, déjà décrite par mon camarade : l'amour éternel et immortel pour une femme, qui ne vieillit pas alors que ses deux prétendants vieillissent. Tout ce barouf pour rendre compte d'un sentiment aussi ténu, ça ne peut que forcer le respect. Un film qui se regarde avec les tripes, mais qui contente aussi les yeux et le cerveau. Toujours dit que le cinéma anglais était un des plus beaux.   (Gols - 28/02/13)

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