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9 février 2009

Eloge de l'Amour de Jean-Luc Godard - 2001

loge_20de_20l_amourIl est clair qu'après les Histoire(s) du Cinéma, on attendait un peu le JLG au tournant, pour son retour au cinéma traditionnel (ce terme pour un film de Godard peut déclencher l'hilarité, ne vous génez pas). Et à la revoyure, c'est vrai que Eloge de l'Amour est un peu déceptif, qu'il ne remporte pas encore les grands paris formels de ses films suivants. Pourtant, on sent déjà là, encore cachée, encore mal assumée, la prodigieuse poésie solitaire de For Ever Mozart ou de Notre Musique. Mais pour en arriver à de telles merveilles, il faut visiblement que Godard repasse par une sorte de case-départ, par un "du passé faisons table rase" assez douloureux.

Le film est empreint d'une nostalgie étouffante, d'une tristesse presque morbide qui finit par plomber un peu l'ensemble. Les deux premiers tiers, filmés dans un splendide noir et blanc qui rappelle les premières oeuvres Eloge3du Jean-Luc, renouent avec une sorte d'intrigue : un jeune homme (Putzulu, transparent) a un projet, de film, de roman, de cantate, on ne sait pas trop : filmer les trois âges de la vie (enfance, adulte, vieillesse) et par ce biais filmer une histoire de l'amour en quatre temps (rencontre, passion physique, séparation, retrouvailles), et même une Histoire. Mais le projet n'avance pas, le gars en reste au stade des repérages et de l'errance artistique. On suit ses tentatives, ses rencontres, ses bouts de début d'idées, ses interrogations. Entre réflexions politiques sur le syndicalisme ou la Résistance et sorties littéraires pointues, on traverse en quelque sorte tout le cinéma de JLG, puisque le film, san vraiment se l'avouer, est un retour en arrière douloureux. Godard est devenu vieux, seul, tourmenté, et ce voyage intérieur de Putzulu est avant tout un constat d'échec : quelque chose a disparu, et le temps a tout tué. Godard accuse le coup de son âge, affirmant à juste titre que l'âge adulte n'existe pas, qu'on passe directement de l'enfance à la vieillesse.

untitledCurieux, au niveau de la mise en scène, de voir le bon Jean-Luc se livrer à d'aussi rigoureux plans fixes. Le film, totalement dénué de fantaisie et d'humour, est presque austère, presque aride. Non seulement les cadres sont sérieux comme des papes, mais le sens du film, délibérément sur-intello, ajoute à l'aridité de la chose par son mystère. On a l'impression gênante d'assister à un monologue intérieur, constitué de strates de paroles et d'images qui échappent en grande partie à la compréhension. Comme si Godard avait du mal à communiquer ses pensées et ses émotions.

Après cette longue partie ardue, le film plonge subitement dans la couleur, et l'effet est renversant : c'est tout à coup une explosion de couleurs sur-exposées, alors même que le film s'enfonce de plus en plus dans un intellectualisme total. Les voix se mèlent autour de théories sur la Résistance et sur le temps, sur l'Amérique et le cinéma, et on est franchement largué. Mais tout de même, on voit apparaître dans ce magma cette précieuse poésie si touchante dans le cinéma de JLG aujourd'hui, un abandon presque du sens pour ne créer que de la Beauté Eloge(donnez le sens que vous voulez à ce mot), une contemplation aigue des choses. Dans ces plans impressionnants sur la mer ou sur des petites routes de campagne, dans cette utilisation toujours émouvante de la musique, dans cette tristesse profonde qui émane de tous ces cadres, il y a quelque chose d'envoûtant et de fascinant qui compense en quelque sorte le sens. Entre enfermement dans le passé et édification d'un nouveau cinéma godardien, Eloge de l'Amour est un jalon délicat dans l'oeuvre du maître, maladroit, discutable, mais intrigant.

God-Art, le culte : clique

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