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31 janvier 2009

Je suis un Autarcique (Io sono un Autarchico) de Nanni Moretti - 1976

vlcsnap_42215Comme tout premier long-métrage, Io sono un Autarchico est sûrement bourré de défauts, mais il est aussi tellement drôle et tellement juste qu'on les pardonne facilement à Nanni. Typique des années 70, ce film est pourtant très symptomatique de l'état d'esprit morettien depuis toujours : il est encore une fois question ici d'un homme qui arrive trop tard, qui n'est plus de son époque, qui envisage le monde sans en accepter les mutations. La grande qualité du truc, c'est l'auto-ironie sur ce sujet : Moretti est dépassé par le monde, et se fout tranquillement de sa propre gueule, dans une satire absolument hilarante.

Michele est un acteur de seconde zone, tourmenté par des problèmes de couple et par un enfant dont il doit s'occuper après sa séparation. Il est engagé par un minable metteur en scène de théâtre expérimental pour jouer dans une cave une pièce fumeuse mélangeant marxisme et révolution. Le reste de la troupe n'est guère plus brillante : un obèsvlcsnap_117721e simple d'esprit, un couple en fin de vie, un imitateur de Moravia... On suit l'entraînement physique, les répétitions puis les représentations de ce spectacle catastrophique.

Les parties consacrées au théâtre sont absolument poilantes : on y assiste à peu près à tout ce qu'il faut éviter : acteurs qui abandonnent la partie, discours politique abscons qui cachent mal une totale absence de culture, provocations imbéciles, kitscherie totale de la mise en scène. C'est un festival de ringardise et d'intellectualisme plat, et on voit assez bien les cibles visées par Moretti : l'art purement conceptuel, celui peut-être d'un Pasolini, d'un Straub. Pourtant, tout est fait avec une grande sincérité, et le film prend soin d'opposer à ce théâtre inregardable de poses à l'art du divertissement, aussi désespérant que lui : la liste des films qui passent au cinéma d'à côté laisse rêveur, que du spectacle à deux balles. Tout le monde en prend donc pour son grade, et finalement c'est bien le metteurvlcsnap_16123 en scène minable qui s'en sort le mieux : il n'est pas fait pour ça, mais au moins il est sincère avec lui-même, conscient de ses limites, fidèle à ses idées. Malgré la charge satirique, les séances de répétitions sont vraiment crédibles, en ce qu'elle montre un mauvais artiste dont la création lui échappe, un gars confronté à l'échec.

A côté de ces scènes-là, on suit les errances amoureuses et intellectuelles de Michele, à travers quelques vignettes fendardes où on le voit avec son enfant, avec son ex, ou confronté aux autres acteurs. Le sens du gag est imparable (pas mal de traces de Woody Allen là-dedans), génialement rythmé : la caméra coupe toujours au bon moment pour laisser une situation se dérouler jusqu'au rire. Et Moretti a un don indéniable pour le gag "frontal" : un spectateur qui déteste le spectacle va se rouler par terre en hurlant, un homme en crise de couple va pleurer des seaux de larmes, un acteur énervé par un critique va l'assomer à coups de bâton... vlcsnap_121696C'est du premier degré total, et c'est impayable. Moretti, encore une fois en colère, encore une fois au bord de la crise de nerfs, encore une fois intellectualissime, encore une fois d'une tendresse bouleversante, pose dès ce premier film le personnage qui traversera toute sa filmographie. Bien sûr, c'est du grand n'importe quoi au niveau du filmage (cadres faits à la va-vite, photo assez immonde), mais c'est surtout de la pure comédie dépressive comme on l'aime. Politique, arty, clownesque, engagé, tendre : grand.

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