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29 janvier 2009

Alice dans les Villes (Alice in den Städten) de Wim Wenders - 1973

vlcsnap_47945Quand Wenders ne se prenait pas encore pour Wenders, c'était un putain de grand cinéaste, si vous me passez l'expression. Amoureux fou de ses premiers films dans ma prime jeunesse, je confirme à la re-vision cette impression. Alice in den Städten a tout du joyau, et Wenders s'y montre d'une profonde intelligence formelle tout en développant un sentimentalisme hyper-touchant.

Dès les premières scènes, dans lesquelles il fait plus montre de son goût pour la photo que pour le cinéma, il parvient à cet équilibre entre cérébralité et sensibilité : son personnage alter-ego, Philip Winter, photographie au Polaroïd la réalité d'une Amérique pourtant fantasmée. Homme seul, lymphatique, déraciné, en quête d'identité, Winter enregistre des paysages urbains qui rappellent immédiatement une histoire du cinéma américain très vaste : ça va de John Ford à Cassavetes, en convoquant au passage la littérature d'un I11Kerouac ou la musique d'un Miles Davis. Ces séquences sont d'ailleurs très jazzy, très "cool" : pratiquement dépourvues de dialogues, elles s'attardent sur l'Amérique qu'on ne montre pas d'habitude, celle des petites gens (enfants, garagiste, peuple des quartiers) dans un style faussement débraillé, et elles montrent aussi une vision très européenne du territoire américain : fascination évidente pour les buildings imenses, pour les carrefours (sublimes travellings latéraux le long des trottoirs), les autoroutes à 40 voies.

Le personnage, volontairement borderline, va se trouver confié une petite fille grande gueule et figure d'ange, aussi paumée que lui. Le film devient alors une jolie variation sur le thème de l'apprentissage, Winter apprenant à être père, ou du moins à se responsabiliser face au petit être balancé dans ses bras. L'histoire pourrait n'être qu'une bluette sentimentale convenue. Mais grâce à la force des personnages, grâce au jeu des acteurs, et surtout grâce à vlcsnap_41640l'ancrage constant du film dans les paysages, Alice in den Städten devient un splendide essai sur "l'appartenance" (à une culture, à un être, à soi-même). Il y a du Jarmusch dans cet humour pince-sans-rire, dans cette façon de ralentir les rythmes, dans cette façon de vider l'écran d'une quelconque trame pour se fixer sur les seuls sentiments, induits par les décors surtout. Wenders regarde les villes qui l'entourent (aux USA, en Hollande, en Allemagne), et regarde surtout les personnages les regarder (les gros plans-portraits sur la petite fille sont superbes, filmés dans la durée, jusqu'à ce que l'émotion surgisse de ces cadres pourtant opaques).

Le noir et blanc cradingue (mais très repéré, convoquant tout le cinéma ricain indépendant des années 60), la musique cool à mort, la nonchalance du héros, tout concourt à l'immédiateté vlcsnap_55264de ce cinéma hyper-travaillé tout en étant décontracté. Malgré quelques maladresses de scènes explicatives (la rencontre avec l'ex à New-York, les scènes avec la mère d'Alice), le film tient miraculeusement sur la frontière entre l'expérimental et le romantisme, sur un tempo unique et fascinant, sur une histoire ténue mais très touchante (les dernières scènes sont même bouleversantes). Un trésor de cinéma direct, un auto-portrait intime, et une comédie sentimentale profonde et drôle, que demande le peuple ?

Commentaires
F
Je revois le DVD une fois par mois parce que c'est un peu mon histoire et celle d'un tas de babyboomers rentrés du rêve américain. Le plan final par-dessus le rapide Duisbourg-Munich dont une fenêtre ouverte encadre nos héros est extraordinaire. Quelles images ! Quelle musique obsédante ! Quelle poésie !
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P
à part Alice qui a un statut à part pour moi, j'ai tendance à les mélanger un peu, même ceux que je n'ai pas vu, l'ado que j''étais ayant avant tout été habité par le livre sur Wenders que je lisais à la bibliothèque..! (on doit être de la même génération, oui...!) Je devrais faire comme vous et les revoir les uns et les autres. Je crois que cette période de Wenders est vraiment très belle, il y a une vraie épaisseur. J'ai découvert cette semaine, d'une autre cinéaste allemande, Allemagne mère blafarde, très impressionnant... En fait le cinéma allemand est vraiment intéressant, y compris contemporain (Marseille de A. Shanelec est par exemple un film magnifique).
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G
On doit être à peu près de la même génération, Patience : j'ai exactement les mêmes souvenirs que vous sur ce film. Une VHS que j'ai gardée très longtemps, jusqu'à ce qu'un cinoche proche ne nous ponde un cycle sur les premiers Wenders, dans lequel j'ai découvert en quelques jours L'Angoisse du gardien de but, Faux Mouvement, L'Etat des Choses, La Lettre écarlate, etc., et celui-là. Je vais me les retaper doucement, et j'en attends le plus grand bien.
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P
quelle nostalgie... ! Le premier film que j'ai enregistré en VHS (en fait que j'ai fait enregistrer car de nombreuses années passeront avant l'achat du précieux magnétoscope!). Un très beau film en effet, un des meilleurs du meilleur Wenders, encore loin de ses futures belles machines (Paris-Texas, Ailes du désir) par sa simplicité, sa frontalité. Ce beau noir et blanc, ces silences éloquents, la musique et ces villes, bien sûr, remarquablement filmées et rythmées par la lenteur.. J'ai très envie de le revoir !, et dire que j'ai perdu cette cassette.....
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