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26 janvier 2009

Tristana (1970) de Luis Buñuel

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Difficile de cerner ce Tristana à l'image d'une exceptionnelle Catherine Deneuve au caractère sans cesse mouvant, jeune femme naïve, puis initiée, dégoutée, à nouveau passionnée et enfin amputée (on dirait un discours de De Gaulle, nan?). Fernando Rey n'est pas forcément plus évident à définir sur la longueur, tuteur qui lorgne méchamment sur sa pupille, la consomme, la perd, la retrouve, un bourgeois pantouflard qui proclame haut et fort ses idées anticléricales et socialistes et qui finit totalement assagi... Est-ce un film sur le désir vieillissant, un dernier baroud d'honneur pour un homme, sur le déclin (on peut remarquer les mêmes coiffures de la vieille servante et de Tristana, un chignon vertigo-esque d'un superbe blond vénitien : une histoire d'amour vouée à se répéter indéfiniment) : le tuteur (le diable n'est "point mort", déclare-t-il, concupiscent, tant mieux) confie d'ailleurs à Tristana qu'elle lui fait "cadeau de sa jeunesse". Est-ce le cauchemar éveillé d'une femme, déclinante finalement également physiquement, prise dans les rets du Fernando?

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Deneuve est quoiqu'il en soit, disais-je, absolument fabuleuse, tout d'abord jeune femme à couettes qui sautille dans tous les sens, femme effarouchée lorsqu'elle rêve de la tête du Fernando accrochée à la cloche (comme s'il allait indéfiniment rythmer sa vie à elle, et ce, malgré elle), femme émancipée qui découvre enfin l'amour dans les bras d'un artiste bien pâlot (on sent bien que Buñuel ne s'intéresse d'ailleurs absolument pas à ce personnage d'artiste mou du genou), puis une femme qui retourne au bercail, blessée - aussi bien au niveau de son corps, la jambe absente, qu'au niveau de son âme (elle accuse amèrement son amant de l'avoir laissée partir chez un autre homme, comme s'il n'avait aucun sens de l'honneur). L'instant le plus fort du film, dont on garde des années plus tard l'image saisissante en tête, est celle où, à son balcon, Deneuve se dénude pour les yeux d'un jeune garçon muet dans la cour, avec, sur son visage, un sourire proprement démoniaque : initiatrice du désir, corps "troublant" (c'est plutôt la peur qui s'affiche sur le visage du jeune garçon - la peur de ses propres désirs devant ce corps, mutilé en partie...?). L'image est forte, typique de l'oeuvre de Buñuel, en ce qu'elle convoque à la fois la fascination (elle attise le regard) et la répulsion, l'envie et le rejet, une sorte de trouble indéfinissable (qui s'empare du jeune homme, et peut-être aussi du spectateur); un plan d'une parfaite pudeur - mais d'une immense force érotique -  et qui en dit aussi long que le sourire carnassier et enjôleur d'une Tristana, femme fatale guère conventionnelle... Fernando Rey, dès lors qu'il récupère sa pupille, devient plus pépère que pervers (le chocolat chaud pris avec les prêtres, énorme) comme si Buñuel, lui-même vieillissant, tentait d'exorciser, à l'aide de sa propre mise en scène, un tel moment de faiblesse... Un film en tout cas construit sur un faux rythme, sans réel rebondissement, mais qui fascine par la nature des relations qui existent entre ces deux personnages atypiques.         

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Tout Buñuel : clique

Commentaires
P
Un Bunuel assez inclassable en effet, une sorte de pont entre ses différentes oeuvres. En quelque sorte une synthèse, le "film ordinaire", calibré, comme il aurait été dans son monde. Un véritable film sur la frustration, sur un désir anesthésié... Le rythme que vous évoquez fait justement qu'on pourra préfère "Cet obscur objet", ou le caractère plus incisif encore du "Journal de chambre".
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