Alien Resurrection de Jean-Pierre Jeunet - 1997
Eh bien c'est à moi qu'incombe la tâche peu enviable de faire rentrer Jeunet dans ce blog, et je m'en excuse, mais vous remarquerez quand même que je le fais par le biais de son seul film regardable, ce qui constitue une circonstance atténuante. Oui, car Alien Resurrection est tout à fait honnête, et réussit même, après la quasi-réussite de l'opus de Fincher, à imposer un vrai style à l'intérieur des limites du genre. On a beau dire, Jeunet a un univers, qu'on peut trouver affreux (et c'est mon cas), mais qui est immédiatement repérable : une sorte de poésie superficielle, une "bédé-isation" très marquée de tous les éléments, et un m'as-tu-vu parfois impressionnant. Dans une série comme Alien, ça ne peut faire que du bien.
Jeunet semble bien se rendre compte que, dès le départ, on lui propose du grand n'importe quoi au niveau scénario. Ripley, bêtement décédée dans l'opus précédent, est reconstituée en laboratoire pour qu'on puisse récupérer l'alien qu'elle a dans le bide. Opération réussie, on élève l'alien en batterie, et l'héroïne est devenue une sorte de machine de guerre mi-femme mi-monstre, attirée par son rôle de mère autant que révulsée par le côté visqueux de son bébé. On ajoute là-dessus des robots, des médecins fous, un traffic sombre au sein de la gente militaire, une équipe de mercenaires au QI de 12, et on a droit à une histoire improbable qu'il paraissait bien difficile de filmer. Jeunet s'en tire grâce à deux choses qui faisaient complètement défaut jusque-là à la série : l'humour, et le gore.
L'humour, assez ras la moquette quand même, vient de la direction des acteurs. Alien 4, c'est Delicatessen dans l'espace. Les personnages, hyper-caricaturaux, sont traités comme tels par des comédiens grimaçants, de toute évidence engagé pour leur tronche et leur aptitude à péter les plombs. Scott, Cameron et Fincher ne se seraient jamais permis ce méchant ricanant comme dans un film de cape et d'épée années 40, ou ce mécanicien handicapé (Dominique Pinon, dans un numéro de foutage de gueule hilarant) improbable. Ils n'auraient non plus jamais imaginé de filmer l'alien à l'intérieur du ventre des personnages grâce à un travelling qui rentre dans la bouche de l'acteur, ou ces véritables boucheries à la John Woo lors de fusillades grand-guignolesques. Spectaculaire, le film l'est d'abord par la grande imagination de mise en scène de Jeunet, qui se marre comme un fou à pulvériser toute tentative de sérieux dans son film. Seule Wimona Ryder amène un petit peu de poésie doucereuse dans cet univers barré : elle est d'ailleurs un brouillon probable de l'infâme Amélie Poulain.
Le gore est aussi bienvenu dans la saga : c'est assez cradouille, quitte à virer dans le n'importe quoi visqueux (les scènes drôlatiques où Weaver se prélasse dans les bras de môman-alien, ou la visite dans le petit musée des clônes ratés). La scène finale est même assez insupportable : un monstre qui se vide de l'intérieur dans un cri horrible, moitié humain moitié cochon qu'on égorge. Ca charcle moins que chez Cameron, mais quand ça le fait, ça le fait viril, avec force bouts de chair sanguinolents et moult membres arrachés. Bref, c'est assez marrant, l'univers est respecté tout en étant assez personnel (des éclairages poétiques, des décors inspirés, même si ce sont les éternels motifs science-fictionnels fatiguants), ça mange peu de pain, et en plus c'est drôle et agréablement dégueu. Du boulot honnête.