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6 janvier 2009

Cet obscur Objet du Désir (1977) de Luis Buñuel

bucketofwater

"Dans la vie, disait l'ami Dewaere dans Préparez vos Mouchoirs, il y a deux types de femmes : les grandes emmerdeuses et les emmerdeuses tout court". Eh ben, tout ce que je peux vous dire, c'est que la Conchita, c'est pas une emmerdeuse tout court. Et cette petite intro reste encore bougrement gentille face à la réflexion du majordome qui traite toutes les femmes de sac d'excréments. Cela pourrait paraître un poil phallocrate (ah si) - je sens la barbe rousse du Gols qui se hérisse en ce jour anniversaire - si le plus concon dans l'histoire n'était point Fernando Rey, berné comme une souche par cette femme au pluriel (grande idée de Carrière de donner le même rôle à deux femmes) et obsédé comme un mirliton par la virginité, quitte à se mettre de la pelure d'oignon dans les yeux. 

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Carole Bouquet et Angela Molina dans le rôle, donc, de Conchita comme pour mieux rendre compte de la complexité de cette femme - de LA femme, mouais, po sûr - tour à tour d'une grande noblesse et d'une grande facilité, les deux armes de la parfaite séductrice. Le pauvre Fernando ne sait point à quel sein se vouer (il faut le voir se jeter dessus comme un mort de faim), fondant comme un petit Grégory dans un verre d'alcool, à chaque apparition de sa douce; mais cette dernière parvient toujours à lui échapper comme une anguille. S'il se jure à chaque fois que cette fois-ci on ne le reprendra pas, c'est peine perdue : qu'il la surprenne avec un amant, en train de faire un strip-tease, qu'elle le ridiculise en le mettant plus bas que terre, rien n'y fait, l'amour est aveugle - et rend sûrement un peu con aussi. Le scénario va tranquillement son chemin - en pente douce - mais est émaillé ici ou là d'une ou deux incongruités du meilleur effet : les passagers du train qui, par la plus grande des coïncidences, se sont déjà croisés une fois - dès le départ cela a provoqué chez moi un petit rire nerveux qui met en jambe pour la suite -, une souris qui se fait prendre dans un piège, une mouche qui tombe dans un verre (le Fernando s'engluant de plus en plus dans la frustration, incapable de réaliser ses désirs, d'aller au bout de SON désir) ainsi que ces divers attentats qui éclatent au détour de chaque rue. D'après Carrière, Buñuel avait presque fini par être obsédé par la phrase de Breton ("L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tout ce qu'on peut dans la foule") comme si ces simples paroles lancées dans les années 30 avaient fini par prendre corps 30-40 ans plus tard. Quand la réalité dépasse la fiction, une bonne formule pour décrire l'univers buñuelien.

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Ce n'est sûrement pas l'oeuvre de Buñuel qui me séduit le plus, même si le petit côté implacable et parfaitement maîtrisé du scénar est d'une belle tenue. On attend toujours un peu plus de fantaisies au coin de chaque scène et forcément, on finit toujours, à trop en vouloir, à être un peu frustré. Ce qui, il faut le reconnaître, convient finalement parfaitement à l'état d'esprit de cette histoire... Ah pauvre hère que nous sommes à errer obscurément et éternellement dans les sillons féminins. Une ultime oeuvre qui clôt en tout cas une rigueur et une inventivité démentielles. Du grand art quoi. Demain (enfin, on est pas à quelques jours près), je réattaque Le Chien andalou et L'Age d'Or.   

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