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6 janvier 2009

LIVRE : L'Etat des Lieux (The Lay of the Land) de Richard Ford - 2006

9782879295251Fan absolu de l'oeuvre de Richard Ford, c'est avec un plaisir non dissimulé - que j'ai fait un peu traîner, je vous l'accorde - que je me plongeai dans la suite des aventures de Frank Bascombe. Il semblerait d'ailleurs que Ford, lui-même, se soit complu à décrire par le menu les aventures sur trois jours de son héros moyen, comme s'il ne pouvait se résoudre à quitter cette sorte d'alter ego (ou disons plutôt de création, on est pas dans l'autofiction) littéraire. Au final, des descriptions souvent longuettes et une écriture beaucoup moins jubilatoire, moins ironique, que dans Un Week-end dans le Michigan ou Indépendance, comme si Ford s'était mis au diapason de son héros qui ne fait que constater mollement les dégâts à la veille de l'arrivée de Bush Jr au pouvoir. Le gars Frank, américain moyen - mais démocrate tout de même -, atteint d'un cancer, se soucie surtout de sa propre santé, comme si l'état du monde autour de son petit univers ne le concernait plus vraiment. Il est entré dans ce qu'il l'appelle "la Période permanente" de la vie, une philosophie gentiment existentielle où le passé et le futur n'importent que peu. Il fait montre d'une résignation nonchalante ("Dans la misère on ne cherche pas la compagnie, seulement la cessation d'hostilité") et si par l'intermédiaire de son associé en affaires d'origine tibétaine il évoque la philosophie bouddhiste, c'est souvent pour prendre ses distances - cette philosphie semblant plus adaptée à la vie dans un temple que dans l'Amérique de la côte Est d'aujourd'hui : "Une acceptation pratique et terre à terre de ce qui est, en temps réel, vaut aussi bien que le spirituel, si vous vous débrouillez pour l'obtenir". Pas captivant vous allez me dire... Ben malgré tout, notre gars demeure suffisamment attachant (on le connaît depuis tout petit, hein - enfin surtout depuis que je suis tout petit...) pour qu'on le suive dans ses démêlés avec son ex-femme ou avec ses deux enfants. Clair qu'au niveau de la communication, le Frank n'est pas toujours au taquet dans sa manière d'appréhender les rapports avec son fils ou de gérer son ex-femme. Pire, il a laissé bêtement échapper sa nouvelle compagne, Sally, qui a préféré retourner avec son ex-mari, disparu mystérieusement pendant des dizaines d'années. Un peu le profil du loser, mais aidé par le soutien de sa fille lesbienne à ses heures et une philosophie d'acceptation qui le tient à flot, il poursuit sa petite route sans faire de bruit. Le roman est dense, s'étale sur les journées qui précèdent Thanksgiving et se trouve tout de même ponctué de quelques micro-événements plus ou moins drolatiques : un immeuble ancien qu'on explose comme une Amérique à bout de souffle, un combat pathétique dans un bar pro-républicain comme un baroud d'honneur pour la forme, une discussion fortement alcoolisée dans un bar lesbien comme si notre Frank ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu'il se trouvait dans une ambiance décalée... L'explosion de violence finale est un peu surprenante et artificielle, comme pour traduire la vision du monde de cet antihéros américain qui ne contrôle plus grand chose. On se sent assez libre d'interpréter comme bon nous semble les mésaventures du Frank tant l'écriture de Ford est délayée, en prise direct avec ce temps qui passe tranquillou. Bref, peut-être pas le chef-d'oeuvre qu'on pouvait espérer, mais Ford garde tout son potentiel pour nous balader dans son récit et pour décrire, sans besoin d'emphase ni l'air d'y toucher, son époque.            

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