L'Étang tragique (Swamp Water) de Jean Renoir - 1941
Le roi Jean réalise un film 100% hollywoodien, dès ce premier opus ricain. Swamp Water est un film charmant qui, même s'il rentre sagement dans le moule du genre, n'oublie pas d'être signé, et de décliner quelques-uns des motifs renoiriens les plus attachants.
L'action se déroule au bord d'un immense marais hostile, plein d'alligators et de serpents venimeux. Comme dans ses autres films "aquatiques" (La Fille de l'Eau, Une Partie de campagne, The River), Renoir donne toute sa place à la nature. Elle est dangereuse ici, alors qu'elle était rassurante dans les autres oeuvres, mais elle n'en est pas moins regardée avec un amour total : densité des lianes qui cachent les personnages, tranquillité trouble de l'eau, et regard énamouré sur les animaux (les crocodiles, montés sur une musique tonitruante, mais surtout un chien, qui a droit à quelques-uns des plus beaux plans du film). Renoir est visiblement fasciné par la grandeur de ce paysage qu'il découvre, et même ses quelques scènes en studio respectent ce naturalisme précieux (beau travail sur les sons de la nature, et sur le mélange de "confort" et d'hostilité de son décor).
Au sein de cet univers, on retrouve l'attachement du compère pour l'Humain, pour les personnages, et les relations qui les animent : amitiés, amours, rivalités, fraternités, haines, admiration, on a droit à un joli catalogue des passions humaines, les seconds rôles étant aussi bien regardés que les premiers. Le héros un peu naïf (Dana Andrews) est un trappeur au grand coeur prêt à tout pour réhabiliter son poteau accusé de meurtre (Walter Brennan) ; mais la communauté (élément essentiellement américain pour le coup) est difficile à convaincre, depuis les braves gens (Walter Huston en paternel intransigeant, Eugene Pallette en sheriff à l'ancienne) jusqu'aux purs méchants (le couple de frangins crétins est impayable). L'histoire est racontée avec un professionnalisme impeccable, sans esbrouffe mais avec un solide sens de la narration. Mine de rien, en 90 minutes, on traverse pas mal de petites histoires, toutes aussi attachantes les unes que les autres, et qui dressent au final le portrait d'une communauté du fin fond des States avec beaucoup de tendresse.
Il y a de la bagarre, du glamour, de la tromperie, de l'action, de la tendresse, Anne Baxter avec un petit chat et même un bal de campagne : c'est parfait. Ne hurlons pas au génie, mais un bien joli moment tout de même.
Renoir est tout entier ici