Rhapsodie en Août (Hachi-gatsu no kyōshikyoku) d'Akira Kurosawa - 1991
S'il y a un monde que le vieil AK ne comprend pas, c'est bien celui des enfants. Dans cette avant-dernière oeuvre, il décide pourtant de s'y intéresser, et le résultat est assez terrible. Quatre bambins passent leur vacances chez leur grand-mère, à côté de Nagasaki. Ils vont partir sur les traces du mari de celle-ci, mort dans l'explosion atomique de 1945, et du coup signer une acte de paix moral avec les Américains. Kurosawa sort les gros gros sabots pour nous montrer la candeur de ces enfants face aux horreurs du passé. Ses petits héros sont sages comme des images, passionnés par l'histoire, émerveillés par le moindre petit bout d'herbe : on est dans une vision purement disneyenne du monde de l'enfance, et cette naïveté gâche l'essentiel du film. Les petits acteurs, très mauvais parce que jamais crédibles, deviennent des marionnettes purement symboliques (la jeune génération confrontée au passé de son peuple).
D'autant que AK n'ôte jamais vraiment ces gros sabots, y compris aux autres postes : une lourde histoire de co-sanguinité entre Japonais et Américains vient ajouter encore à la pénible impression d'un film pour enfants, genre "Le club des 5 et le champignon atomique". Quand l'Amérique débarque, sous les traits d'un Richard Gere visiblement en totale impro, c'est pour mieux enfoncer le clou d'un discours certes tout à fait sincère et noble, mais aussi très consensuel et pauvre. La guerre c'est pas beau, et les enfants c'est beau, les peuples devraient s'aimer, et rien n'est plus beau qu'un clair de lune, bon, on ne peut qu'être d'accord, mais on peut aussi demander un peu plus de profondeur. AK souligne tous ses motifs, jusqu'au sur-explicatif (un oeil accusateur qui surgit du centre d'une explosion atomique), enlevant à son film tout mystère, et interdisant à son public de penser par lui-même.
Heureusement, le grand Kurosawa est encore présent dans la mise en scène et la technique du film : photo magnifique, presque artificielle, qui rappelle le théâtre et la tradition japonaise ; cadres très beaux sur une petite famille réunie, avec une façon d'utiliser l'espace et le silence en maître de l'épure ; goût toujours au taquet pour les vastes tableaux humains, ici dans une belle scène de commémoration de l'anniversaire de Nagasaki ; et séquences suspendues hors de tout, qui bluffent toujours : une longue scène finale recouverte par le bruit du vent, filmée dans un ralenti superbe, un retour de la vision poétique de Dersou Ouzala avec la même présence des éléments naturels qui malmènent les personnages. Pour ces quelques séquences enfin tenues, on est prêts à pardonner le reste à ce tout petit film, mais c'est bien parce qu'on est sympa.
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