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21 décembre 2008

Lola de Jacques Demy - 1960

Voilà du cinéma en toute liberté, qui suit les préceptes de la Nouvelle Vague tout en trouvant un ton on ne peut plus personnel. Lola contient déjà en germe toute la grandeur de Demy, et c'est un vrai enchantement de cinéphile. Curieux de voir comment ce film est déjà une comédie musicale colorée, alors qu'il est en noir et blanc et ne contient qu'une seule chanson (d'ailleurs beaucoup plus mythique que réellement réussie). La grâce de la mise en scène, associée à un scénario totalement libéré de toute contrainte, a quelque chose de chantant, de très enlevé. Les mots explosent de rythme, et sont souvent rimés à la manière unique de Demy : petites rimes du dimanche, légères comme tout et reconnaissables entre toutes.

Lola_20_d

On reconnaît immédiatement l'auteur des Parapluies de Cherbourg, et Lola apparaît même comme un premier essai un peu fauché vers ce chef-d'oeuvre : même personnage principal, Roland Cassard ; même couple fille/mère à la recherche d'un homme parfait ; même petit thème musical, celui qui accompagne chaque rencontre du couple Marc Michel / Anouk Aimée ; même décor de port propice aux rêveries de voyages et aux projets avortés ; même attirance pour les amours de jeunesse qui ne reviendront plus. Il y a même déjà ces marins désoeuvrés, ces filles de bonne famille un peu effrontées et ces enfants sages. Demy plante là définitivement son univers complet.

lolh014

Mais ce qui est le plus étonnant, c'est le scénario, presque totalement dépourvu de trame au sens traditionnel. On ne cesse de passer d'une ambiance à une autre, d'un univers à un autre, sans souci de chronologie, en donnant à tout (grands malheurs et petites joies) la même importance. Une dame à la recherche d'un dictionnaire dans une librairie a droit à autant de place que le jeune Roland en mal d'amour, et Demy fait rien moins que filmer la vie dans tous ses infimes détails, une vie gaie et triste, mélancolique et joyeuse, qui bat là-dedans avec un bonheur total. Pourtant, cette apparente hétérogénéité dans la narration ne cache pas une grande précision d'écriture : la grande idée du film est de présenter Lola à travers trois étapes de sa vie, mais sans flash-back. On voit trois femmes qui "pourraient être Lola" : une fillette qui découvre les premiers émois de côtoyer les hommes (splendide séquence de ralenti dans la fête foraine, où le talent de Coutard pour les contre-jours agit en plein), la femme abandonnée et libérée danseuse de cabaret (Anouk Aimée, peu convaincante malheureusement dans ses postures fausses de fofolle), et la femme mûre dévorée par les conventions.

loladanse

Le film est joyeux la plupart du temps, avec ces marins fous de liberté et de danse, ces fillettes insolentes qui s'ennivrent de bandes dessinées, ces vieilles dames au verbe haut, tout ce petit monde populaire que Demy filme avec amour, cette ville de Nantes magnifiée par le noir et blanc très contrasté. Mais, comme souvent chez Demy, c'est bien la mélancolie qui reste après la vision du film : il est question ici de gens qui n'arrivent pas à se croiser, d'amours étouffés dans l'oeuf, de rêves d'évasion brisés par la vie elle-même. Les personnages sont tous rongés pudiquement par une petite touche de malheur qui les rend touchants à mort. Bref, Lola est une sorte d'établissement du cahier des charges demyesque, et plante les règles du jeu de son cinéma avec un esprit en totale indépendance. Superbe.

Tout Demy : clique

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