Des Temps et des Vents (Bes vakit) (2006) de Reha Erdem
Voilà un film turc ultra contemplatif, ma foi, qui possède de vrais moments de beauté panthéiste, qui parvient à montrer le cycle parfois ben cruel de la vie, mais qui finit aussi par vous arracher quelques longs bâillements. Les pères, répétant leur propre éducation, font parfois preuve de la même brutalité dont ils ont été victimes, et on finirait presque par croire qu'un enfant turc pas battu est un enfant qui court plus vite que son père... J'exagère quelque peu d'autant que les gamins souffrent souvent plus d'une violence morale que physique. Mais on ne peut pas dire qu'ils soient particulièrement à la fête : le chtit Ömer imagine tous les stratagèmes possibles et imaginables pour se débarrasser de son père, jaloux qu'il est de la préférence que ce dernier donne à son petit frère; son pote romantique Yakup en arrive à la même pensée lorsqu'il surprend son propre père en train de lorgner derrière la fenêtre sa maîtresse d'école - une maîtresse dont Yakup est secrètement amoureux; la chtite Yildiz s'occupe avec dévotion du nouveau-né jusqu'à ce qu'elle l'échappe par accident : la fureur de sa mère la fera proprement s'évanouir. Enfin Davut est un orphelin qui morfle lui aussi, héritant de quelques coups de bâton pour avoir volé des fruits sur un arbre. Si c'est po toujours facile de grandir dans ce petit coin aride de Turquie, Erdem nous gratifie de quelques jolies plans qu'ils répètent à l'envi - sur une musique violoneuse un peu too much - et découpe parcimonieusement son film en cinq parties - suivant le rythme journalier de la prière -: enfants, filmés à la verticale, véritablement encastrés dans la terre, dormant ou se reposant, caméra "en suspension" qui suit les multiples trajets de ces enfants sur des routes caillouteuses, inserts sur le paysage laissant dans le cadre une place immense au ciel, de jour comme de nuit. On conçoit que ces existences "à la dure", faites de nombreuses brimades, n'aient rien de particulièrement réjouissants mais ce film tout en lyrisme manque aussi parfois un peu de fantaisie, pour ne pas dire d'humour - comme si Erdem a trop vouloir coller à son sujet et ses acteurs (impeccables) en oubliait parfois d'avoir un peu de distance; cela fait du coup parfois un peu trop livre d'images pour que l'on soit vraiment saisi par l'émotion... Un peu trop plastiquement correct, si l'on peut dire, en résumé...