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4 décembre 2008

Tokyo-Ga (1985) de Wim Wenders

Si parfois le Wim dérive méchamment de son sujet initial - certes c'est un "journal filmé" et même si ce "voyage à Tokyo" ne constitue point un pèlerinage sur les traces d'Ozu, c'est tout de même la base du projet... -, on est récompensé par les interviews que donnent l'un des ses acteurs fétiches - Chishu Ryu - et surtout son caméraman - Yuuharu Atsuta - qui se terminent dans une immense émotion. Le passage fugace d'Herzog - en allemand non sous-titré, courage - et le plan sur l'oeil droit de Chris Marker derrière un journal restent, eux, purement anecdotiques.

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Wim Wenders n'a pas franchement l'air d'avoir de plan préétabli et filme un peu ce qui lui tombe sous les yeux. Parfois, il parvient à faire un lien avec l'univers de Yasujiro : un gamin qui refuse de marcher et il évoque tous les "sales gamins" capricieux ozuesques; les écrans de télé omniprésents, des taxis aux chambres d'hôtel, diffusant entre autres des films américains, et tout un pan d'une culture nippone qui semble englouti; des partis de pachinko - jeu inventé après-guerre comme pour éviter de trop songer au passé - ou des golfeurs qui frappent la balle sur un toit d'immeuble, comme autant de petits clins d'oeil à des séquences du maître. Wenders, accompagné de Ryu, visite également la tombe d'Ozu (un imposant bloc tout noir orné uniquement du signe "Mu": le vide), une séquence qui est suivie d'une réflexion sur la capacité d'Ozu à filmer, non pas simplement des moments de vérité, mais la vérité - un véritable art, qui laisse un grand vide au regard des productions actuelles; la voix off est posée sur des images prises d'un train sur un autre train qui, au départ va plus vite, puis ralentit à la même cadence avant de disparaître : c'est presque un plan kiarostiamien, collant parfaitement au commentaire, et le Wenders de monter dans notre estime... Malheureusement cela est complètement gâché par des séquences beaucoup trop longues (le golf, la partie sur les personnes qui créent en cire les imitations des plats que l'on met en vitrine - ok, imiter la réalité est tout un art, mais 15 minutes sur un sandwich en cire, est-ce bien raisonnable?) voire totalement hors-sujet (les jeunes Japs qui dansent le rock en plein air - certes Wenders a vu entretemps Sans Soleil de Marker, mais franchement, c'est quoi l'intérêt ici???).

tokyoga2

Bon, pour rester sur un note positive, évoquons les interviews de Ryu - personnage d'une immense modestie, qui s'amuse à raconter à quel point il se sentait un mauvais élève parmi la troupe d'Ozu qui lui faisait parfois répéter 20 fois la même prise - et surtout celle d'Atsuta. Ce dernier, avec une caméra Mitchell loué pour l'occase, revient précisément sur le positionnement de la caméra - Ozu avait fait construire son propre trépied pour être le plus proche du sol - et l'utilisation inamovible de la focale (50mm); une fois qu'Ozu avait fixé la caméra, il s'agissait po de déconner autour du bazar. Atsuta revient avec beaucoup d'humour sur la natte qu'il transportait tout le temps avec lui - il passait beaucoup de temps couché avec cet enfoiré de système - et montre avec une grande fierté le seul souvenir qu'il lui reste vraiment d'Ozu, son fameux chronomètre, fait sur mesure, qui lui permettait d'avoir le temps exact pour les tournages en 35 ou 16 mm. Atsuta montre un immense respect, qui frôle l'idolâtrie, pour son maître qu'il a suivi tout au long de sa carrière, passant de second à premier assistant avant de devenir son cameraman attitré. La dernière question de Wenders est proprement fatale, quand il demande à Atsuta s'il a continué de bosser après la mort d'Ozu; ce dernier lui avoue que oui, sans plaisir ni passion, et lorsqu'il se met à penser à la disparition d'Ozu, il explose littéralement en larmes, comme s'il mettait son âme sur le tatami - il demande d'ailleurs à Wenders de se casser, totalement submergé par l'émotion... Un peu comme s'il venait soudainement de se rendre compte de la mort de cet "homme bien". Pour ces instants qui dénotent un respect incommensurable pour le cinéaste, le film de Wenders vaut le détour.    

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