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3 décembre 2008

Mémoires du Sous-développement (Memorias del subdesarrollo) (1968) de Tomás Gutiérrez Alea

Bien bel et curieux objet cinématographique que cette oeuvre du cubain T.G. Alea. Mêlant images d'archives et journal intime, le film narre les aventures du gars Sergio, au tout début de la révolution cubaine. Bien qu'une large place soit faite à certains événements "historiques" comme l'épisode de la baie des cochons, cet intellectuel bourgeois continue de mener sa vie presque comme si de rien n'était, alors que ses parents et sa femme ont quitté Cuba pour les Etats-Unis. Même s'il ne cautionne point le départ de ses proches, il pose un regard assez laconique et ironique sur le monde qu'il entoure (aussi bien sur les intellos que sur le peuple prorévolutionnaire) faisant de ce film un troublant compte-rendu de cette période charnière.

subdesarrollo

Sergio regarde la ville (et la vie) à travers son télescope, autrement dit par le petit bout de la lorgnette. Vivant de rentes, et n'ayant pas grand-chose apparemment à branler, on suit le véritable périple existentiel de cet homme dans les rues cubaines et dans son appart. Il se souvient des engueulades avec sa femme, fantasme sur sa bonne protestante lorsqu'elle lui raconte son baptême, se souvient d'une blonde Allemande qui croyait en son talent (à l'époque où il voulait devenir écrivain - projet avorté, comme si tout finalement lui échappait) et rencontre enfin une très jeune femme (17 ans, oups) qu'il amène dans son lit. Jeune femme insouciante, il tente son "éducation", l'amenant dans des musées d'art moderne ou dans la maison d'Hemingway; mais cette dernière s'en fout comme de sa première chemise. Il fait le commentaire suivant en l'évoquant - et explicite ainsi le titre ce qui est bien urbain : "Elle ne s'attache à rien (pardonnez mon cubain pour la trad) : c'est un des signes du sous-développement; Elena, comme les autres femmes cubaines, est incapable de s'attacher à quelque chose, d'accumuler de l'expérience, de se développer"... Tout cela est un peu dur ma foi, mais derrière ses certitudes, son esprit critique (il se barre nonchalamment d'une réunion qui rassemble des littérateurs) notre homme a du mal lui-même à analyser sa propre petite existence et le monde en mutation qui l'entoure. Il ne voit d'ailleurs pas le coup venir lorsque la mimi Elena l'accuse de l'avoir violée et le mène au tribunal. Cet événement semble lui faire enfin prendre conscience du monde alentour; cela coïncide en plus avec l'incident des missiles (le summum de la guerre froide, maybe) et après les discours de Kennedy et de Castro (remontés le bougre !), on assiste à une conclusion qui m'a curieusement fait penser à la séquence finale de L'Eclipse d'Antonioni - même musique, même image blafarde, même sentiment de malaise...

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Si le film est puissamment ancré dans un contexte historique, le cheminement personnel de cet homme donne une véritable profondeur à cette oeuvre, une sorte de complexité difficile parfois à cerner - cet homme paraît souvent un peu enfermé dans sa bulle mais demeure également attachant par le regard subjectif qu'il pose sur le monde autour de lui. Une véritable aventure "cinématographique" (l'influence de la Nouvelle Vague semble évidente) et humaine. T.G. Alea réussit un film qui, du même coup, par beaucoup d'aspects - sur la forme et dans le fond -, mérite de rester en mémoire.

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