L'Heure du Loup (Vargtimmen) d'Ingmar Bergman - 1968
Cette fois-ci, ce sera sans moi. Je veux bien reconnaître toutes les qualités du monde à L'Heure du Loup, je veux bien en admettre l'ambition de base, y trouver de nombreuses scènes assez géniales ; mais le fait est que je me suis emmerdé comme un rat mort. Bergman s'essaye au genre épouvante, avec pas mal de distance d'ailleurs, mais ne réussit qu'à produire un de ses bidules qu'il a faits parfois : intellectualissime, uniquement placé dans le cortex en oubliant le bide, beaucoup trop psychologisant, et se regardant un peu filmer.
Ca commence par la voix de Bergman lui-même qui crie "Silence ! on tourne ! Action !", et on se dit qu'on va avoir droit à un autoportrait en schyzophrène qui peut donner de belles choses. Aussitôt après, regard-caméra de la jolie Liv Ullmann, qui nous conte la lente déchéance psychologique de l'homme qu'elle aime. Puis flash-back, et nous voilà dans l'histoire principale : un couple est en train de se dissoudre dans la folie, à cause des délires de Von Sydow, incapable d'affronter un passé trop chargé. Si dans un premier temps le couple se tient à peu près, les choses vont plonger dans la folie pure la nuit venue. Démons, fantômes, flashs horrifiques, pulsions morbides, tout un monde nocturne et affreux est convoqué, imbibant littéralement le scénario jusqu'à le plonger lui-même dans la folie. La mise en abîme du début est vite oubliée devant ces séquences cauchemardesques et réellement effrayantes (le travail sur le son, les stries de musique qui remplacent les bruits réels, ajoutent encore à ces images parfois impressionnantes).
Il y a là-dedans des plans vraiment inspirés, voire des scènes entières : un théâtre de marionnettes macabre sur fond de Flûte Enchantée, qui amène une émotion poignante dans cet univers sclérosé de la haute bourgeoisie ; un flash-back assez terrifiant, parce que muet et très figé, où la mort fait son entrée dans toute sa sécheresse (un petit cadavre qui remonte à la surface d'un lac) ; un final grand-guignolesque, Von Sydow grimé en horrible clown, la peau d'une femme filmée dans une blancheur cadavérique, une vieille femme qui ôte sa perruque puis sa peau puis ses yeux... Tout ça est très beau, très travaillé, très profond sûrement ; mais cette fois, ça sent l'application : Bergman peine à faire décoller l'émotion, et le film ne sait se faire aimer qu'intellectuellement. C'est bien dommage, surtout sur un sujet aussi "sentimental". On a un peu l'impression que Ingmar règle leur compte à ses prpres démons, en nous oubliant en chemin. Le film devient souvent pure expérimentation, sans jamais que le gars ne parvienne au résultat de Persona, par exemple (film assez proche). On bâille franchement, en s'accrochant à ces quelques motifs drôles (malgré eux ?) : un châtelain Belalugosien, un repas bourgeois complètement déclafté, ou des dialogues frôlant souvent la caricature du maître. C'est beau, mais froid.
l'odyssée bergmaneuse est là