Un Jour à New-York (On the Town) de Gene Kelly & Stanley Donen - 1949
Encore une fois, le gars Gene Kelly nous donne que du bonheur, avec cette comédie musicale absolument privée de fond, mais qui impose immédiatement une joie de vivre tenace. Trois marins débarquent à "New-York, New-Yoooork, beautiful town" pour une journée de permission, bien décidés à traquer la gorette facile. Ils seront servis, avec trois donzelles peu farouches. C'est tout, sauf qu'il leur arrive des petites aventures, genre faire tomber un dinosaure au Museum d'Histoire Naturelle ou se déguiser en mousmées pour échapper aux flics. On the Town est uniquement voué au plaisir, au bonheur et à la danse, et ça fait chaud au coeur. Même s'il est plein de lourdeurs, même si tous les acteurs ne sont pas géniaux (l'actrice principale est fadasse à mort), il contient 11000 grands moments qui ne peuvent que vous réconcilier avec la vie.
Gene Kelly est le danseur du siècle, il le prouve une nouvelle fois. C'est vrai, les chorégraphies ne sont pas vraiment impressionnantes, mais qu'est-ce que vous voulez, il lui suffit d'esquisser un petit geste pour vous transporter dans un monde libéré des lois de la pesanteur, il lui suffit de faire un petit saut pour vous replonger immédiatement en enfance. A ses côtés, les autres font triste figure dans ce domaine, Sinatra mal à l'aise, Vera-Ellen vieille école, ou Jules Munshin trop grimaçant. Il a toutefois méchament du répondant en la personne de Ann Miller (deux jambes), qui livrent quelques morceaux de claquettes sidérants d'énergie, aidée il est vrai par une robe fendue jusque là qui laisse rêveur. Les chansons sont au taquet, avec des paroles très drôles ("you can count on me, you can count on me / As the adding machine once said : you can count on me"), et la musique souvent complexe de Bernstein pour l'élégance. Le gars reprend d'ailleurs taquinement les premières notes de l'ouverture de "Rhapsody in Blue" de Gershwin (ça n'engage que moi) pour présenter un ouvrier mal réveillé. Les dialogues sont tout aussi parfaits, avec des petites phrases parfois dignes d'un Woody Allen (une fille moche éternue, et quand Kelly lui dit "A vos souhaits", elle réplique "C'est la chose la plus gentille qu'on m'ait jamais dite").
La mise en scène, enfin, est d'une fluidité magnifique. Certes, il y a quelques séquences un peu lourdosses : la présentation de l'héroïne en sportive de haut niveau, grand moment de kitsch ; la séquence fantasmée au théâtre, rappel de Singin'in the Rain, mais chiante et mal dansée. A côté de ça, ça pète dans tous les coins, avec un sens de la couleur et du mouvement imparable. L'âge d'or, définitivement.