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24 novembre 2008

Spots publicitaires pour le savon Bris d'Ingmar Bergman - 1951

Enorme et magnifique surprise que ces petits spots pour le savon Bris, réalisé par un Bergman hurlant de faim en 1951. On pourrait s’attendre à des films sans saveur, c’est tout le contraire : on va de bonheur en bonheur, et le bon Ingmar en profite pour tenter des choses absolument surprenantes, notamment dans ces mises en abîme constantes entre réalité et spectacle. Cinéma, théâtre, dessin animé, ces spots sont un hommage précieux à l’art en général. Je n’ai pu les voir qu’en suédois non-sous-titrés, d’où ma gène pour vous parler des dialogues ou du sens profond de ces clips, mais je me lance.

brisCa commence échevelé, avec un n°1 qui brouille avec bonheur tous les repères spatiaux : on est brinquebalés d’un petit théâtre à une trappe cachée dans le décor, les personnages se croisent, se piquent le savon Bris, le tout sous les yeux hébétés d’un vieux (qui rappelle physiquement le héros des Fraises sauvages, mais la comparaison s’arrête là). Une bonne mise en jambes avant d’attaquer la suite.

Bergman_adLe n°2 est excellent : une femme joue au tennis, puis un gars en cravate se pointe et déclenche un petit théâtre de marionnettes. On y voit un clown assez lynchien (il a visiblement le bon rôle, mais il est très inquiétant par sa blancheur et l’aspect vide de son visage) se faire courser par une méchante bactérie à travers une forêt de poils gros comme des chênes. Pas franchement sexy, d’autant que Bergman monte cette scène en parallèle avec une vraie nana en train de se laver le bras. Pas ragoûtant, mais ça permet de rappeler les liens étroits d’Ingmar avec le théâtre. Les espaces sont complexes, illogiques, c’est pas mal du tout.

Sans_titreOn continue dans la mise en abîme avec le n°3, qui commence avec la toilette d’un nanti du XVIIIème siècle : beauté des cadres, et surtout des lumières, avec même un plan qui met en rapport autour d’un miroir le baron poudré et son serviteur noir. Mais la caméra élargit le champ, et on se rend compte qu’on est dans une salle de projection, et qu’une femme d’aujourd’hui commente la scène, vantant l’aspect ancestral, sûrement, de Bris. Sauf que le baron sort de l’écran pour s’adresser à la nana, qui se démonte pas et lui sert un sourire Colgate en lui montrant le savon qui lui donne un si joli teint. Une nouvelle fois, le spectacle est au centre du spot.

3Bon, pas compris grand-chose au n°4, mais passé un bon moment quand même : la première partie est excellente, un hommage survolté à Méliès. Bergman fabrique un petit film muet axé autour d’un savant fou qui découvre un savon révolutionnaire (à mon avis, c’est du Bris) et reçoit les ovations de ses collègues. Décors rigolo, accessoires improbables, rythme échevelé, et il y a même un petit dessin animé charmant qui montre l’éternelle bactérie en lutte avec la propreté. Après, bon, le gars se réveille (c’était un rêve) et parle de Bacterieune et de Bris avec l’accent, je me suis un peu égaré en chemin.

4De mieux en mieux, avec le n°5. Cette fois, on a droit à du grand trucage. Un couple, très joliment cadré à l’américaine avec un bord noir qui prend la moitié de l’écran, donne vie à un petit bonhomme sur une table, sorte de bonimenteur de marché. Celui-ci amène une bactérie enfermée dans une cage (et qui fume) puis fait entrer le héros tout blanc : lutte, bagarre, on connaît le topo : ça se termine par une victoire de Bris, qui, on l’apprend est « anti-odor ». C’est mignon comme tout, et curieusement un peu angoissant aussi : tout ce noir, ces sortes de freaks de foire qu’on fait se battre pour la joie du public. Une réminiscence de La Nuit des Forains ?

untitledLe n°6 est résolument barré : on y voit d’abord une succession de plans sans liens, sorte de cinéma expérimental qui pourrait constituer une parodie du cinéma de laboratoire parfois tenté par Ingmar. L’étrangeté de ces premières secondes est prenante, et on applaudit devant cette audace que ne se permettrait aucun des annonceurs d’aujourd’hui. Bientôt, une nana arrive, et nous regarde avec pitié : on n’a rien compris ? Elle va nous expliquer. Et les plans de redéfiler, accompagnés d’une explication point par point de la donzelle, qui mène tout droit au savon Bris. Bon, mon suédois n’étant pas au point, j’ai pas compris, mais tant pis : je préférais de toute façon rester dans le mystère de cette prodigieuse première moitié.

5Rien compris non plus au n°7, sauf qu’il y est question d’un roi de théâtre (tiens, c’est le vieux du n°1). La seule chose notable, c’est que le slogan (Bris, ça tue les odeurs de transpiration, nous dit-on en substance) n’est pas dit, mais murmuré à l’oreille du roi, avec appui d’une inscription de texte sur l’écran. A part ça, je sais pas.

imageAvec le n°8, on est à nouveau dans le monde du cinéma. Cette fois, Bergman se fout de la tronche des expérimentations en 3D. Le public d’un ciné, affublé de lunettes ridicules, regarde une jeune femme utiliser son savon de manière éminemment sexy. L’illusion est si forte qu’elle finit par arroser le public émoustillé, et même, après une chute filmé à l’ancienne en image par image, par se retrouver dans les bras d’un vieux (tiens, le gars du n°1 et du n° 7), le seul à ne pas avoir les lunettes. C’est charmant, encore une fois étrangement glauque à cause de l’utilisation du noir.

2On termine dans le mystère, avec un n°9 très dialogué, et donc assez incompréhensible à mes oreilles unilingues. Notons que ça commence quand même dans une salle d’opération chirurgicale, et par la mort de l’opéré. Mais ça dure peu de temps, on comprend que c’est un tournage de film, et une nana se met à deviser avec l’acteur principal des vertus de Bris. Puis un petit vieux (tiens…) vient mettre un point final taquin à cette série de spots absolument immanquable.

l'odyssée bergmaneuse est là

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