Le Visage de Karin (Karins Ansikte) d'Ingmar Bergman - 1984

Soirée diapos chez Ingmar, vous êtes priés d'amener vos chips. Sentant sûrement la vieillesse venir, le bon Bergman rouvre ses vieux albums photos poussiéreux, et nous donne à voir quelques documents familiaux : passeports, deux ou trois papiers divers, et surtout moult photos jaunies qui semblent déclencher chez lui un sentiment mi-désarroi mi-nostalgie. Il s'arrête sur ces personnages d'un autre temps, bébés fagottés dans la dentelle, poses solennelles des aînés, tendresses des regards entre membres de la fratrie Bergman. Avec cette attention toute particulière pour Karin, sa mère, femme mystérieuse qui semble échapper à Ingmar : à travers quelques notes, quelques clichés, il tente de percer le mystère de cette femme visiblement en avance sur son époque, et de retrouver quelque chose de l'évident amour qu'il éprouve pour elle. Il s'attarde sur de longs regards d'elle sur l'enfant qu'il fut immortalisés par la photo mais conservant une part d'opacité douloureuse. Pour corser l'ambiance, il ajoute à ces images troubles quelques notes de piano maigrichonnes ; il n'en faut pas plus pour plonger dans une atmosphère macabre du meilleur effet. Mais la tendresse reprend vite le dessus, et c'est surtout la force de la sincérité qui jaillit de ce petit film. Les plus beaux passages sont ceux où Bergman redécoupe les photos, cadrant une main, un oeil, un détail de l'image : on y retrouve le sens de l'humain propre à son cinéma, une façon douce et triste de chercher à percer le mystère des choses (et des femmes, surtout). C'est certes un peu chiant, mais ça confirme en tout cas la beauté du regard d'Ingmar, et ce mélange de terreur et d'amour fou qu'il éprouve pour la famille. Une clé pour comprendre l'oeuvre psychologique et oedipienne du gars.

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