Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 novembre 2008

Dernier Maquis de Rabah Ameur-Zaimeche - 2008

h_4_ill_1046231_dernier_maquis1Encore une belle réussite de la part de Ameur-Zaimeche, qui trace décidément un sillon bien personnel dans le film politique à la française. Le gars a du style, aucun doute là-dessus après ces trois films étranges et originaux qui ne doivent rien à personne (invoquer Renoir ou Pialat est possible, mais ça ne suffit pas). Cette fois, il va encore plus loin dans l'expérimentation formelle : Dernier Maquis est un film étrange, atone, conceptuel dans ses rythmes et dans sa mise en scène. De nombreuses séquences échappent à l'explication, mais elles semblent pourtant s'inscrire naturellement dans le projet, sans qu'on n'arrive à expliquer toujours le pourquoi de la chose. RAZ ne prend pas son public pour un con, et ose ce que peu osent : laisser des brêches, des trous dans sa symbolique, laisser l'interprétation se faire dans la tête du spectateur, sans souligner lourdement.

L'histoire est simple : une entreprise de fabrication de cagettes, gérée à l'arrache par un patron trop calculateur (Ameur-Zaimeche lui-même, qui se donne le "mauvais" rôle, d'un naturel déconcertant, un jeu calme et triste qui fait 200808210983_zoommerveille) ; les employés, musulmans convaincus, empreint d'une solidarité basée justement sur la communauté religieuse ; et les licenciements qui menacent. Le film est très politique, frontal même, mêlant en un seul mouvement religion, travail et syndicalisme. Il y a là-dedans une profondeur contemporaine très juste, qui tend à mettre en évidence les dangers du repli sur soi-même, les obstacles inhérents à la fédération, la dichotomie entre monde réel et monde spirituel. A travers quelques instants pris sur le vif, avec un style ultra-réaliste dans le jeu des acteurs, Dernier Maquis montre un monde fermé, qui est aussi bien celui du prolétariat que de la foi : l'utopie communautariste du début (on est tous frères dans le labeur et aux yeux d'Allah) se fissure sous les règles de la loi du marché, de l'argent et de la survie. C'est la grande qualité du film : montrer une société qui s'effrite, à la manière d'un Duvivier grande époque (La belle Equipe) sous les coups de bélier de la mondialisation.

19002810_w434_h_q80Ce constat amer se fait dans la tranquillité et la lenteur totales : les scènes se succèdent, tranches de vie sans affect, mais mènent sur la piste du chômage et du malheur. RAZ traite tout à égalité, séquences sociales (choisir un imam, vérifier les feuilles de pointage) et moments plus symboliques (rendre sa liberté à un ragondin égaré dans l'usine), jusqu'au drame final, qui arrive sans qu'on l'ait vu venir. La mise en scène est exemplaire : longs cadres sur des hommes au travail; volonté de tout enfermer dans cet espace clos, rehaussé par ces palettes rouges qui construisent de nouveaux murs partout; lenteur du regard, qui laisse toute leur place aux gestes, aux moments creux; grandeur des gros plans, montrant un humanisme sans sensiblerie qui éclate à chaque plan; mystère troublant de nombreuses scènes, qui ne trouvent leur résolution que dans les dernières secondes de la séquence, voire beaucoup plus loin dans le film (la scène de mutiliation du converti à l'Islam, qui se circoncie lui-même)... Très beau film tragique et engagé.

Commentaires
Derniers commentaires