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Shangols
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11 novembre 2008

Les Fragments d'Antonin (2006) de Gabriel Le Bomin

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Ne pouvant me rendre au Ciné-club de Marvejols (pourtant j'ai l'invit'...), il faut ben que je me débrouille par mes propres moyens. Gabriel Le Bomin signe en effet une oeuvre d'une très bonne tenue. Vous voyez Un long Dimanche de Fiançailles ? Alors, au niveau du style, on est complètement à l'opposé, ce qui prouve forcément toutes les qualités de ce premier long métrage. Filmé dans une lumière gris-bleue avec une petite musique au piano un peu omniprésente, ce film nous fait retrouver Gregori Dérangère que j'avais laissé pour ma part à la fin de la Seconde Guerre Mondiale (Bon Voyage... mouais...). Il a cette fois-ci beaucoup plus de choses à jouer et, dans un rôle loin d'être évident, il tient résolument la route.

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Après un générique impressionnant qui montre des poilus totalement traumatisés et en état de choc, on fait justement la connaissance de l'un d'eux, notre Grégori dit, ici, Antonin. Il n'a en mémoire que cinq prénoms énigmatiques et au moindre léger stimulus (un casque, une caresse, un pigeon...), il se retrouve plongé dans des spasmes, répétant frénétiquement un même geste. Il s'agit résolument d'un être en mille morceaux et, à force de flashs-back, les pièces du puzzle s'assemblent les unes aux autres... D'où vient ce traumatisme intérieur qui l'a laissé complètement brisé ? Est-il la victime d'un assaut sanglant, d'ordres hiérarchiques inhumains, de comportements bestiaux... Difficile à savoir au premier abord... Il n'y a qu'une chose qui est claire au demeurant, c'est que notre gars a morflé sa race. Le Bomin construit ingénument son histoire, faisant des allers retours incessants entre cette chambre d'hôpital et le passé de notre gars; des lectures de son journal intime du temps où il tentait de tenir le coup ouvrent une autre piste narrative pour tenter de cerner au plus près ce personnage résolument détruit. La ligne directrice - celle des différents chocs psychologiques qu'il a subits - est finalement assez limpide voire peut-être un peu attendue et systématique. Néanmoins Le Bonim a l'art, même dans l'horreur, de ne jamais chercher à en rajouter : il parvient ainsi à mieux nous faire percevoir l'effondrement progressif de cet être, comme une machine qui coince de plus en plus avant de dérailler. Qu'est-ce qui provoque le petit coup de pouce quand on est au bord du gouffre, jusqu'à quel point peut-on supporter la mise à mort de l'innocence...? Une mise en scène soignée, des acteurs au taquet, rarement les blessures intérieures de ces autres victimes de la guerre n'ont été aussi bien traitées sur la toile.   (Shang - 05/11/08)   

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17198Oui, c'est bien joli, ces Fragments d'Antonin, mais c'est justement là que ça pêche un peu : jamais Le Bomin ne prend son sujet à bras-le-corps, et le film reste d'un politiquement correct assez douteux. Effectivement, les acteurs sont bons, effectivement le film a le mérite de traiter un sujet rare, effectivement c'est intéressant. Mais en même temps, il ne raconte rien, ni l'horreur de la guerre, ni le destin particulier de ces hommes, ni quoi que ce soit qui pourrait remuer le spectateur. La liste des remerciements au générique le montre : le film semble produit directement par l'Armée. Non pas qu'il soit pro-guerrier, heureusement, mais il aligne bien sagement tous les sujets "tendance" de la guerre de 14 : les déserteurs, les femmes qui couchent avec des Allemands, la présence des soldats immigrés dans les tranchées (séquence plus que douteuse de transe africaine) ; le tout dans une esthétique et un scénario à la limite du mièvre. Tout est là, dans une posture de polémiste finalement très sage : parler de ces sujets aujourd'hui n'est plus un acte courageux, et le film plonge bien vite dans un style Télérama de la plus belle eau. Le Bomin ne veut gêner personne, et se contente d'un "quelle connerie la guerre" consensuel et bien fade. Pas de politique, pas de vision personnelle : une histoire qui ne peut que faire s'exclamer tout le monde, un héros attachant et déclenchant immédiatement b169351l'empathie, une infirmière douce et sensible, une musique de Satie pour baigner le tout, et le film atteint son but : nous conforter dans nos opinions, sans violence (le comble pour un film traitant de cette guerre), sans courage et sans opinion. Jusqu'à un happy-end anachronique et lâche qui finit d'enfoncer le clou de ce cinéma scolaire et universel. On n'est pas dans Joyeux Noël, ni dans le Long Dimache de fiançailles, je veux bien le reconnaître, grâce à une modestie de moyens touchante, mais on les frôle quand même souvent sur le fond. Se servir de la guerre pour composer une bluette propre sur elle, ce n'est pas très glorieux... Reste un film maladroit mais souvent beau, sincère et intelligemment construit.   (Gols - 11/11/08)

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