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Shangols
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11 avril 2016

Les Soeurs de Gion (Gion no shimai) (1936) de Kenji Mizoguchi

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J'ai toujours su que geisha c'était loin d'être une vie aussi à la coule que ça... Mizoguchi dresse un portrait très sombre de ces deux soeurs que tout oppose mais qui finissent malgré tout, l'une comme l'autre, dans la panade. Beaucoup de discussions, quelques jolis travellings en extérieur, l'histoire est implacable mais j'ai encore eu un peu de mal pour me laisser vraiment chavirer du début à la fin. C'est propre, l'histoire est solide mais peu de moments de grâce comparés à ses incroyables derniers films.

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Furusawa a mangé la grenouille : il vient de faire banqueroute et ses divers meubles et acquisitions sont vendus aux enchères. Il se fait rembarrer par sa femme mais notre gars se démonte point : puisque c'est ça, il va vivre chez la geisha qu'il entretenait. Cette dernière, Umekichi, n'est pas vraiment d'une beauté fascinante (toujours eu un peu de mal avec les actrices de Mizoguchi, c'est un goût personnel...) mais il faut reconnaître qu'elle a le coeur sur la main. Elle accueille le gars sans une thune avec le sourire, reconnaissant tout ce que ce dernier a fait pour l'aider. Cela n'est pas vraiment du goût de sa soeur, Omocha, plus mimi certes (comme quoi, les noms...), mais une véritable teigne lorsqu'il s'agit d'argent. Elle se joue des hommes avec un sourire et se vend au plus offrant. Elle parvient tout d'abord à tirer un kimono pour sa soeur auprès d'un assistant vendeur. Ensuite, elle donne une poignée de yen à Furusawa pour qu'il débarrasse le plancher, trouvant pour sa soeur un vieux "patron" beaucoup plus friqué. Puis elle envoie paître rudement l'assistant vendeur pour se vendre au boss de ce dernier beaucoup plus intéressant financièrement. Sa soeur retrouve la trace de Furusawa pour vivre paisiblement avec lui, non pas sans avoir mis en garde Omocha contre sa façon d'agir... Forcément celle-ci va avoir de terribles ennuis - le Nippon est rancunier -  mais po mieux pour Umekichi : elle va se faire lourder par le Furusawa dès que ce dernier trouve une opportunité. Les hommes sont vraiment de beaux fumiers égoïstes, geisha, c'est vraiment pas un taff d'avenir et Mizoguchi nous emballe le tout en un peu plus d'une heure.

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Il y a bien quelques superbes plans (les deux soeurs qui partent prier bouddha, filmées tout en mouvement ; ce plan très court, sur un pont, avec l'eau qui scintille en dessous ; des discussions où le Kenji change plusieurs fois l'angle de sa caméra pour donner du rythme...), la démonstration est indéniable, mais l'émotion (ultime plan magnifique, comme d'hab chez Kenji, mais tout de même) peine à vous saisir avec ses petites mains. C'est tout du moins mon humble avis...   (Shang - 26/10/08)


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Ah je suis plus emballé que mon compère par ce film d'une belle modernité, dans son scénario en tout cas. Mizo se la joue presque Emile Zola dans ce portrait social de deux soeurs symboliques de deux conceptions différentes du rapport à l'argent : l'une est asservie aux yens (comprendre, par suite, aux hommes), complètement soumise malgré son humanité et sa sensibilité ; l'autre, si elle en accepte complètement les règles, décide de jouer avec le système, de le dénoncer et d'en jouir sans vergogne, se libérant ainsi du joug masculin. Autrement dit, ce sont deux époques qui se rencontrent, celle traditionnelle, tournée vers le passé, et celle moderne, féministe mais cynique. C'est à travers un grand réalisme social et esthétique que Mizo traite son sujet : on est loin ici des grands mélodrames passés et à venir du maître : la peinture de cette société est crue, nette, très cruelle. L'argent, le commerce, le profit, pénètre la sphère familiale et amoureuse, et même les rapports sentimentaux sont dictés par la loi du profit. Très beau plan d'ouverture, notamment, où on découvre d'abord un commerce en train de péricliter, la vente aux enchères des derniers biens, puis dans le même bâtiment un couple qui se déchire : puissance du plan long. Le film n'y va pas avec le dos de la cuillère, renvoyant dos à dos tout le monde, hommes vénaux et femmes naïves, traditionnalistes arriérés et modernistes aux dents longues. Tout le monde s'en tirera avec moult blessures d'ailleurs, morales et physiques.

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Mizoguchi plante ses acteurs dans des décors assez austères d'une grande véracité. Peu de gros plans, il importe toujours de situer les gens dans leur milieu, dans leurs rapports entre eux ; mais une caméra mobile, qui dégage de grands axes de regards, de parole, de rapports de domination ou de soummission. La grammaire est classique, certes, Kenji ne cherche jamais la flamboyance ou le spectaculaire, mais il n'en reste pas moins que ce film hyper-amer est réalisé avec beaucoup d'honnêteté et de talent. Quant à la dernière séquence, on est bien d'accord, elle est superbe. Un vrai beau film politique.   (Gols - 11/04/16)

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