Eldorado de Bouli Lanners - 2008

On aurait bien envie de l'aimer, cette petite fantaisie gentiment décalée, qui mise tout sur les rapports doux-amers entre deux borderlines belges, qui décline des mini-situations innocemment burlesques, qui travaille sur le vide des dialogues et des relations. On aurait bien envie, et on l'aurait fait si Eldorado n'arrivait pas avec 15 ans de retard : là, on en a un peu marre de ces fameux films d'humour belges, tous bâtis sur le même moule nonsensique, tous d'un vide intersidéral qu'on voudrait compenser par un humour délirant. Lanners ne sort jamais des sentiers déjà balisés par ses contemporains : on pousse les situations jusqu'à les vider totalement de sens, on surprend sans cesse le spectateur par de nouveaux évènements aussi minuscules qu'inutiles, on fait travailler les acteurs vers un jeu "en marge", sans se poser la question des personnages...

C'est agréable, je dis pas, mais c'est aussi privé complètement de fond, drôle une fois sur dix seulement, et surtout réalisé à la truelle. La musique est notamment utilisée très scolairement (le montage épouse parfaitement les montées de rythmes, comme pour souligner laborieusement les évènements de l'histoire), et Lanners ne se fait jamais confiance : dès qu'il semble avoir trouvé une idée de réalisation (le travail sur le hors-champ, ou sur l'immobilité), il l'utilise frileusement 2 minutes avant de revenir bien vite à ce style terne, qui consiste à filmer sagement des personnages sans regard sur eux. On attend avec curiosité la fin, pour voir si le film ne cacherait pas un sens secret qui éclaterait dans les derniers instants ; mais non, c'était juste ça, une tranche de vie gentillette et rigolote, un road-movie cheap, et on referme le film avec l'impression d'avoir déjà oublié la chose. Bien innocent, tout ça...