Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 octobre 2008

LIVRE : Un Fils de Notre Temps (Ein Kind unserer Zeit) d'Ödön von Horvàth - 1938

Sans_titreUn livre étrangement écrit, qui a priori ne paye pas de mine, mais qui finalement possède en sous-sol une puissance qui s'installe avec beaucoup de subtilité. Comme un ancêtre du Meursault de Camus, le "héros" de ce roman se définit par ses actes : d'abord petit nazi fier de son combat, il va découvrir une certaine morale (en même temps qu'une certaine sentimentalité) au contact des injustices de ce monde : un père déchu, un capitaine dégoûté de la guerre, une femme anéantie... Petit à petit, les pensées de cet homme vont devenir de plus en plus amères, et ses actes vont suivre cette colère et cette conscience naissante. Un Fils de Notre Temps constitue finalement un avant-goût de l'existentialisme, en même temps qu'une critique amère du monde tel qu'il est (ou au moins tel qu'il était en 1938 en Allemagne).

Horvàth utilise le monologue intérieur pour rendre compte des métamorphoses morales de son personnage : un flux de pensées heurté, passant du concret aux rêveries (étranges décrochages fantasmatiques, abrupts flash-backs insérés sur quelques lignes au milieu des descriptions d'actions), qui se fait de plus en plus intime au fur et à mesure du récit. Si les premières pages sont constituées d'archétypes patriotiques du petit nazi modèle (insouciance, bonheur d'avoir trouvé sa place, travail famille patrie), le texte devient de plus en plus complexe, de plus en plus personnel, épousant les questionnements moraux inattendus de ce gamin confronté à la vie. Pratiquement à chaque phrase, Horvàth tire à la ligne, pour mieux mettre en place ce rythme hâché qui colle parfaitement au récit. Mélange d'actions et de bribes de réflexion, le roman rentre d'abord dans la tête par sa vitesse, par ce tourbillon chaotique induit par les rythmes. Sans en avoir l'air, rapidement et subtilement, Horvàth écrit un portrait très vaste d'une jeunesse perdue face à l'époque, en même temps puérile et tourmentée. Sensible, sans pourtant jamais sortir de cet aspect très concret, il fabrique un objet étrange, aux tempi lancinants et prenants, qui fait de la politique en partant de la base : les actes, les hommes, les destins. Intrigant, profond et prenant. 

Commentaires
Derniers commentaires